i.
--Blaise n'y est pas, Monsieur, repondit Anfry d'un ton sec.
JULES
Ou est-il? je veux l'avoir tout de suite.
ANFRY
Il est dans les champs, Monsieur, a arracher des pommes de terre.
JULES
Allez le chercher.
ANFRY
Je ne peux pas, j'ai de l'ouvrage presse.
JULES
Alors je vais dire a papa que vous ne voulez pas laisser Blaise venir
avec moi, et papa vous grondera, et je serai bien content.
ANFRY
Vous direz ce que vous voudrez, Monsieur; je ne crains rien, parce que
je fais mon devoir.
JULES
De quel cote est Blaise?
ANFRY
Du cote de la mare aux sangsues?
JULES
Pourquoi l'appelle-t-on mare aux sangsues?
Parce qu'il y a des sangsues dedans, bien probablement."
Jules forma le projet d'aller seul rejoindre Blaise; il rentra a la
maison, fit seller son ane, et partit comme pour se promener dans le
parc. Mais il sortit par une petite barriere et fit galoper son ane du
cote de la mare aux sangsues; la route etait pierreuse, mauvaise et
assez longue, et, comme il ne connaissait pas bien le chemin, il mit
pres d'une heure pour y arriver. Il y trouva effectivement Blaise qui
travaillait avec ardeur a arracher les pommes de terre de son pere; il
les mettait en tas pour les emporter dans des paniers ou dans des sacs
qu'il placait sur une brouette. Il travaillait si activement qu'il
n'entendit ni ne vit arriver Jules et l'ane.
"Blaise! Blaise!" cria Jules.
Blaise se releva, vit Jules et reprit son ouvrage sans repondre.
"Blaise! reprit Jules avec impatience, n'entends-tu pas que je
t'appelle?
BLAISE
Oui, Monsieur Jules; mais vous ne me demandiez rien, alors je n'avais
pas a vous repondre.
JULES
Puisque je t'appelle, c'est que j'ai besoin de toi.
BLAISE
Pour quoi faire, Monsieur Jules? J'ai de l'ouvrage presse.
JULES
Pour m'accompagner dans ma promenade a ane. Maman ne veut pas que
j'aille seul dans les champs.
BLAISE
Alors pourquoi y etes-vous venu? Et puisque vous etes venu seul, vous
pouvez bien vous en retourner de meme.
JULES
Tu es un mechant, un grossier, un impertinent, je le dirai a papa.
BLAISE
Ah bah! dites ce que vous voudrez, ce ne sera pas la premiere fois
que vous aurez fait des contes; je ne puis pas vous en empecher;
d'ailleurs, le bon Dieu est la pour me proteger.
JULES
Je m'en vais, vilain, et jamais, non jamais, entends-tu bien, je ne te
laisserai monter mon ane.
BLAISE
Est-ce que j'ai besoin de votre ane, moi?
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