e l'eau des vetements
mouilles, il se deshabilla lui-meme, passa a Jules sa chemise seche,
sa blouse, son pantalon et ses sabots, et revetit lui-meme la chemise
glacee et le pantalon trempe de Jules.
BLAISE
Je vous demande pardon, Monsieur Jules, de vous habiller si
grossierement, mais vous etes du moins dans des vetements secs et
chauds, et vous ne prendrez pas froid. Maintenant, ce que nous pouvons
faire de mieux, c'est de courir, au lieu de marcher, et de rentrer
bien vite.
JULES
Je ne peux pas courir avec tes vilains sabots; les sangsues me
piquent.
BLAISE
Il faut bien pourtant arriver chez vous, Monsieur Jules, pour qu'on
vous porte secours et qu'on fasse tomber les sangsues.
JULES
C'est ta faute, aussi. Tu m'as laisse aller seul, au lieu de venir
avec moi.
BLAISE
Mais, Monsieur Jules, vous etiez bien venu seul, et j'avais mes pommes
de terre a rentrer; je ne pouvais pas deviner que vous iriez vous
jeter dans la mare aux sangsues.
JULES
Si tu etais avec moi, tu m'aurais empeche de tomber.
BLAISE
Et comment vous en aurais-je empeche? Vous ne m'auriez pas ecoute.
JULES
Non; mais quand l'ane s'est mis a sauter dans l'eau, tu l'aurais tenu
par la bride, et tu l'aurais doucement fait sortir de la mare.
BLAISE
Il m'aurait donc fallu entrer dans la mare, pour avoir cinquante
sangsues aux jambes? Grand merci!
JULES
Le grand malheur quand tu aurais eu les jambes piquees! Moi, je
n'aurais pas eu de morsures au visage et a la main.
BLAISE
Ah bien! Monsieur Jules, voila le merci que vous me donnez pour vous
avoir empeche d'avoir encore une quinzaine de sangsues apres vous,
et pour vous avoir donne des habits secs en place des votres qui me
glacent le corps!
JULES
Ils sont jolis, tes habits! Une sale grosse chemise, un mauvais
pantalon rapiece, une vieille blouse et d'affreux sabots qui me
genent. Tu es bien heureux d'avoir mes beaux habits; tu n'as jamais eu
de chemise si fine et un si joli pantalon!
--Ah bien! reprenons chacun le notre, dit Blaise en s'arretant,
indigne de tant d'egoisme, d'orgueil et d'ingratitude; et tirez-vous
d'affaire comme vous pourrez.
--Non, je ne veux pas! s'ecria Jules, qui craignait de grelotter dans
ses beaux habits mouilles. Je me deshabillerai a la maison."
Blaise aurait pu reprendre de force ses habits; mais il ne voulut pas
infliger cette punition a Jules, et, sentant le froid le gagner, il se
mit a marcher bon train pour en
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