que vous ne ferez pas quelque
chose pour moi?
-- Tout ce qu'il vous plaira, mon ami, repliqua l'eveque de sa
voix calme.
-- Une seule chose alors, et je me declare satisfait. Comment
etes-vous devenu le favori du roi, vous qui ne lui avez parle que
deux fois en votre vie?
-- A un ami comme vous, repartit Aramis finement, on ne cache
rien.
-- Ah! bon. Dites.
-- Eh bien! vous croyez que je n'ai vu le roi que deux fois,
tandis que je l'ai vu plus de cent fois. Seulement, nous nous
cachions, voila tout.
Et, sans chercher a eteindre la nouvelle rougeur que cette
revelation fit monter au front de d'Artagnan, Aramis se tourna
vers M. Fouquet, aussi surpris que le mousquetaire.
-- Monseigneur, reprit-il, le roi me charge de vous dire qu'il est
plus que jamais votre ami, et que votre fete si belle, si
genereusement offerte, lui a touche le coeur.
La-dessus, il salua M. Fouquet si reverencieusement, que celui-ci,
incapable de rien comprendre a une diplomatie de cette force,
demeura sans voix, sans idee et sans mouvement.
D'Artagnan crut comprendre, lui, que ces deux hommes avaient
quelque chose a se dire, et il allait obeir a cet instinct de
politesse qui precipite, en pareil cas, vers la porte celui dont
la presence est une gene pour les autres; mais sa curiosite
ardente, fouettee par tant de mysteres, lui conseilla de rester.
Alors, Aramis, se tournant vers lui avec douceur:
-- Mon ami, dit-il, vous vous rappellerez bien, n'est-ce pas,
l'ordre du roi touchant les defenses pour son petit lever?
Ces mots etaient assez clairs. Le mousquetaire les comprit; il
salua donc M. Fouquet, puis Aramis avec une teinte de respect
ironique, et disparut.
Alors M. Fouquet, dont toute l'impatience avait eu peine a
attendre ce moment, s'elanca vers la porte pour la fermer, et,
revenant a l'eveque:
-- Mon cher d'Herblay, dit-il, je crois qu'il est temps pour vous
de m'expliquer ce qui se passe. En verite, je n'y comprends plus
rien.
-- Nous allons vous expliquer tout cela, dit Aramis en s'asseyant
et en faisant asseoir M. Fouquet. Par ou faut-il commencer?
-- Par ceci, d'abord. Avant tout autre interet, pourquoi le roi me
fait-il mettre en liberte?
-- Vous eussiez du plutot me demander pourquoi il vous faisait
arreter.
-- Depuis mon arrestation, j'ai eu le temps d'y songer, et je
crois qu'il s'agit bien un peu de jalousie. Ma fete a contrarie
M. Colbert, et M. Colbert a trouve quelque plan contre moi,
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