pour profiter sur les reventes ou sur la
division, et cependant le discredit des assignats etait quatre ou cinq
fois plus grand que l'annee precedente. La quantite des emissions etait
donc la cause veritable de la depreciation du papier, et sa rentree le
seul moyen de relever sa valeur.
Le seul moyen de le faire rentrer, c'etait de vendre les biens; mais
quel etait le moyen de les vendre? Questions eternelles, qu'on se
proposait chaque annee. La cause qui avait empeche d'acheter les biens,
les annees precedentes, c'etait la repugnance, le prejuge, surtout le
defaut de confiance dans la solidite des acquisitions. Aujourd'hui c'en
etait une autre. Qu'on se figure comment se font les acquisitions
d'immeubles, dans le cours ordinaire des choses. Le commercant, le
manufacturier, l'agriculteur, le capitaliste, avec des produits ou des
revenus lentement accumules, achetent la terre de l'individu qui s'est
appauvri, ou qui vend pour changer sa propriete contre une autre. Une
terre s'echange ainsi toujours ou contre une autre, ou contre des
capitaux mobiliers accumules par le travail. L'acheteur de la terre
vient se reposer sur son sein; le vendeur va faire valoir les capitaux
mobiliers qu'il en recoit en paiement, et succeder au role laborieux de
celui qui les exploitait. Tel est le roulement insensible de la
propriete immobiliere. Mais qu'on se figure tout un tiers du territoire,
compose de proprietes somptueuses et peu divisees, de parcs, de
chateaux, d'hotels, mis en vente tout a la fois, dans le moment meme ou
les proprietaires et les commercans, les capitalistes les plus riches
etaient disperses, et on comprendra si le paiement en etait possible. Ce
n'etaient pas quelques bourgeois ou fermiers echappes a la proscription
qui pouvaient faire cette acquisition, et surtout la payer. On dira sans
doute que la masse des assignats en circulation etait suffisante pour
solder les biens; mais cette masse etait illusoire, si chaque porteur
d'assignats etait oblige d'en employer huit ou dix fois davantage pour
se procurer les memes objets qu'autrefois.
La difficulte consistait donc a fournir aux acquereurs non pas la
volonte d'acheter, mais la faculte de payer. Aussi tous les moyens
proposes portaient-ils sur une base fausse, car ils supposaient tous
cette faculte. Ces moyens etaient ou forces ou volontaires. Les premiers
consistaient dans la demonetisation et l'emprunt force. La
demonetisation changeait le papier de monnaie en si
|