t perdre ainsi quelques millions; mais
elle soulageait des maux tres grands, et faisait un bien immense. Le
revolutionnaire Cambon etait l'auteur de cette idee si humaine.
Mais, tandis qu'on discutait ces questions si malheureuses, on etait
ramene sans cesse a des soins encore plus pressans, la subsistance de
Paris, qui allait manquer tout a fait. On etait a la fin de ventose
(milieu de mars). L'abolition du _maximum_ n'avait pas encore pu ranimer
le commerce, et les grains n'arrivaient pas. Une foule de deputes
repandus autour de Paris, faisaient des requisitions qui n'etaient pas
obeies. Quoiqu'elles fussent autorisees encore pour l'approvisionnement
des grandes communes, et qu'on les payat au prix des marches, les
fermiers disaient qu'elles etaient abolies, et ne voulaient pas obeir.
Mais ce n'etait pas la le plus grand obstacle. Les rivieres, les canaux
etaient entierement geles; pas un bateau ne pouvait arriver. Les routes,
couvertes de glaces, etaient impraticables; il fallait, pour rendre le
roulage possible, les sabler vingt lieues a la ronde. Pendant le trajet,
les charrettes etaient pillees par le peuple affame, dont les jacobins
excitaient le courroux en disant que le gouvernement etait
contre-revolutionnaire, qu'il laissait pourrir les grains a Paris, et
qu'il voulait retablir la royaute. Pendant que les arrivages
diminuaient, la consommation augmentait, comme il arrive toujours en
pareil cas. La peur de manquer faisait que chacun s'approvisionnait pour
plusieurs jours. On delivrait, comme autrefois, le pain sur la
presentation des cartes; mais chacun exagerait ses besoins. Pour
favoriser leurs laitieres, leurs blanchisseuses, ou des gens de la
campagne qui leur apportaient des legumes et de la volaille, les
habitans de Paris leur donnaient du pain, qui etait prefere a l'argent,
vu la disette qui affligeait les environs autant que Paris meme. Les
boulangers revendaient meme de la pate aux gens de la campagne, et, de
quinze cents sacs, la consommation s'etait ainsi elevee a dix-neuf
cents. L'abolition du _maximum_ avait fait monter le prix de tous les
comestibles a un taux extraordinaire; pour les faire baisser, le
gouvernement avait depose chez les charcutiers, les epiciers, les
boutiquiers, des vivres et des marchandises, afin de les donner a bas
prix, et de ramener un peu le bon marche. Mais les depositaires
abusaient du depot, et vendaient plus cher qu'on n'etait convenu avec
eux.
Les comites etaient
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