sique
n'y prennent pas garde, ils deviennent aisement prosaiques et
languissants, comme les autres de l'ecole contraire tendent tres-vite,
s'ils ne se soignent, au boursoufle, au bigarre, ou a l'obscur. L'_Art
poetique_ de Boileau, bien autrement _poetique_ par l'execution que par
les preceptes; les preceptes et la pratique courante de Voltaire, a
force de soumettre la poesie a la meme raison que la prose et au pur bon
sens, allaient a remplacer l'inspiration et l'expression poetique par
ce qui n'en doit etre que la garantie et la limite. On s'est jete
aujourd'hui dans un exces tout contraire, et l'image tient le de du
style poetique, comme c'etait la raison precedemment. Mais ni la raison,
a proprement parler, ni l'image, en ceci, ne doivent regir. L'expression
en poesie doit etre incessamment produite par l'idee actuelle, soumise a
l'harmonie de l'ensemble, par le sentiment emu, s'animant, au besoin, de
l'image, du son, du mouvement, s'aidant de l'abstrait meme, de tout ce
qui lui va, se creant, en un mot, a tout instant sa forme propre et
vive, ce que ne fait pas la pure raison. Mais, cela dit, et meme dans ce
poeme du _Vieux Chateau_, ou le style de Fontanes est si peu ce que le
style poetique devrait etre toujours, une creation continue; meme la,
de douces notes se font entendre; ces negligences, ces repetitions
d'_aime_, _d'amour_,--d'_amant_, qui reviennent tant de fois a la
derniere page, ont leur grace touchante: le secret de l'ame se trahit
mieux en ces temps de langueur du talent. Or, ce qu'on suit dans cette
serie, aujourd'hui complete, des poesies de Fontanes, soit durant les
Terreurs de 93 et de 97, soit plus tard aux annees de sa pompe et de
ses grandeurs, c'est le courant d'une ame d'honnete homme, d'une ame
affectueuse et excellente, qui se conserve jusqu'au bout et ne tarit
pas; les poesies qu'on publie, meme les moins vives, en sont la
biographie la plus intime, trop longtemps derobee. Elles me semblent une
source couverte, discrete, familiere, trop rare seulement, qui bruissait
a peine sous le marbre des degres imperiaux, qui cherchait par amour les
gazons caches, et qui, depuis _la Foret de Navarre_ jusqu'a l'ode _sur
la Statue de Henri IV_, dans tout son cours voile ou apparent, ne cessa
d'etre fidele a certains echos cheris.
On a donc publie de lui _le Vieux Chateau_, le poeme des _Pyrenees_, en
vue de sa biographie d'ame, sinon de leur merite meme, et quoique ce
soit un peu comme si l'on publiai
|