organisait pour la defense on
esperait et on avait confiance dans l'issue, precisement en raison
des exces contraires. Il y avait, comme en defi de l'oppression, un
universel rajeunissement. Nul, en ces annees, ne fut plus jeune que le
general La Fayette. Ne le fut-il pas trop quelquefois? N'alla-t-il pas
bien loin en certaines tentatives prematurees, comme dans l'affaire de
Belfort[96]? Nos vieilles ardeurs sont trop d'accord avec les siennes
la-dessus pour que notre triste impartialite d'aujourd'hui y veuille
regarder de plus pres. C'etaient de beaux temps, apres tout, si l'on ne
se reporte qu'aux sentiments eprouves, des temps ou l'instinct de la
lutte ne trompait pas. Quels souvenirs pour ceux qui les ont recus
dans leur fraicheur, que ce voyage d'Amerique en 1824, et cet hymne de
Beranger qui le celebrait!
Jours de triomphe, eclairez l'univers!
[Note 96: Tome VI, page 135 et suiv.]
Mais les exposer seulement au grand air d'aujourd'hui, c'est presque les
fletrir, ces souvenirs, tant le mouvement general est loin, tant les
generations survenantes y deviennent de plus en plus etrangeres par
l'esprit, tant l'ironie des choses a ete complete!
De sorte qu'en ce temps bizarre il faut s'arreter devant le double
inconvenient de parler aux uns d'un sujet par trop connu, et aux autres
de sentiments parfaitement ignores.
La seconde moitie du sixieme et dernier volume est consacree a la
Revolution de Juillet et aux annees qui suivent: independamment des
actes publics et des discours de La Fayette, on y donne toute une partie
de correspondance qui ne laisse aucun doute sur ses dernieres pensees
politiques; les suppressions, commandees aux editeurs par la discretion
et la convenance, n'en affaiblissent que peu sensiblement l'amertume.
Cette derniere partie de la vie de La Fayette, si honorable toujours,
est pourtant celle qu'il y aurait peut-etre le plus lieu d'epiloguer
politiquement, a quelque point de vue qu'on se place, soit du sein de
l'ordre actuel, soit du dehors. C'est celle, a coup sur, qui a le plus
nui dans la vague impression publique, et en double sens contraire, a la
memoire de l'illustre citoyen, et qui a contribue a jeter sur l'ensemble
de sa carriere une teinte generale ou l'ancien attrait a pali. Mais, ne
voulant pas approfondir, il serait peu juste d'insister. Assez d'autres
prendront les Memoires uniquement par cette queue desagreable. Le plus
grand malheur du general a ete de survivre (ne fut-ce q
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