dans ces vers.
De tels vers, pour la couleur melancolique a la fois et transparente,
etaient dignes contemporains des belles pages des _Etudes de la Nature_.
_Le Jour des Morts_ offre plus de composition que _la Chartreuse_; c'est
moins une meditation, une reverie, et davantage un tableau. Il dut
plaire plus vivement peut-etre aux contemporains; il a plus passe
aujourd'hui. Le XVIIIe siecle y a jete de ses couleurs de convention. Ce
cure de village, _rustique Fenelon_, qu'on n'ose pas appeler _cure_, et
qui n'est que _pasteur, mortel respecte, homme sacre, ce pretre ami des
lois et zele sans abus_, qui n'ose faire parler la colere celeste contre
le mal, et qui ne sait qu'_adoucir la tristesse_ par _l'esperance_, est
un de ces chretiens comme on aimait a se les figurer a la date de _la
Chaumiere indienne_. On se demande si le poete partage absolument
l'esprit du spectacle qu'il nous retrace avec tant d'emotion. A un
endroit de la premiere version du _Jour des Morts_, il etait question
de _destin_[107]. Plus d'un vers reste en desaccord avec le dogme; ainsi,
lorsqu'il s'agit, d'apres Gray, de ces morts obscurs, de ces Turenne
peut-etre et de ces Corneille inconnus:
Eh bien! si de la foule autrefois separe,
Illustre dans les camps ou sublime au theatre,
Son nom charmait encor l'univers idolatre,
Aujourd'hui son sommeil en serait-il plus doux?
dernier vers charmant, imite de La Fontaine avant sa conversion; mais
depuis quand la mort, pour le chretien, est-elle un doux sommeil et le
cercueil un oreiller? En somme, la religion du _Jour des Morts_ est une
religion toute d'imagination, de sensibilite, d'attendrissement (le mot
revient sans cesse); c'est un christianisme affectueux et flatte, a
l'usage du XVIIIe siecle, de ce temps meme ou l'abbe Poulle, en
chaire, ne designait guere Jesus-Christ que comme _le Legislateur des
chretiens_. Ici, ce mode d'inspiration, plus acceptable chez un poete,
cette onction sans grande foi, et pourtant sincere, s'exhale a chaque
vers, mais elle se declare surtout admirablement dans le beau morceau de
la piece au moment de l'elevation pendant le sacrifice:
[Note 107: Dans une eglise de Naples, a Sainte-Claire, je crois, se
voit un elegant tombeau de jeune fille par Jean de Nola, avec des vers
latins; tombeau grec, epitaphe paienne:
..........................................
At nos perpetui gemitus, tu, nata, sepulchri
Esto haeres, ubi sic impia fata volunt.
Cet _im
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