ntion extreme que sa
promptitude de coup d'oeil et d'avant-gout. Quand vint madame de Stael,
elle le trouva tout arme a l'avance et tres-averti.
On voit que M. de Fontanes n'etait pas un homme de revolution; aussi la
notre de 89 ne l'enleva point d'un entier elan. A trente ans passes, sa
situation restee si precaire semblait le pousser en avant: sa moderation
d'esprit le retint. Il partagea pourtant avec presque toute la France le
premier mouvement et les esperances de l'aurore de 89; l'on a meme un
chant de lui sur la fete de la Federation en 90. Mais ce fut sa limite
extreme. Des le commencement de 90, il participait avec son ami Flins a
la redaction d'un journal, _le Moderateur_, qui remplissait son titre.
On distingue difficilement les articles de Fontanes dans cette feuille,
qui d'ailleurs a peu vecu; et comme il n'y a que l'esprit general qui
en soit remarquable, il importe peu de les distinguer. _Le Moderateur_
suit, avec moins de verve et d'audace, la ligne d'Andre Chenier. J'aime
a y voir[111] le chevalier de Pange, cet autre Andre, loue pour ses
_Reflexions sur la Delation et sur le Comite des Recherches_. On y
devine, a quelques mots jetes ca et la, combien Fontanes jugeait le
moment peu favorable aux vers; et il n'etait pas homme a s'armer de
l'iambe. Des ebauches de tragedies qu'il concut alors, _Thrasybule,
Thamar, Mazaniel_, n'eurent pas de suite et n'aboutirent qu'a quelques
scenes. Il quitta Paris peu apres, et, retire a Lyon, il adressait de la
cette gracieuse et un peu jeune Epitre a Boisjolin.[112] Un grand calme,
un sourire d'imagination y regne. Il a retrouve les champs, il a repris
l'etude, et le voila qui resonge a la belle gloire. Dans les conseils
qu'il donne, lui-mome il se peint, et, a cette lenteur de poesie qu'il
exprime si merveilleusement, on reconnait son propre talent d'abeille:
[Note 111: Numero du 13 fevrier 1790.]
[Note 112: M. de Boisjolin, traducteur de _la Foret de Windsor_ dans
sa jeunesse, et redacteur du Mercure avant 89, longtemps sous-prefet
a Louviers mais qui n'a pas cesse d'aimer les lettres. Il est proche
parent de nos poetes Deschamps du _Cenacle_, l'aimable Emile et le grave
Antony. (1838.)]
Comme on voit, quand l'hiver a chasse les frimas,
Revoler sur les Heurs l'abeille ranimee,
Qui six mois dans sa ruche a langui renfermee,
Ainsi revole aux champs, Muse, fille du Ciel!
De poetiques fleurs compose un nouveau miel;
Laisse les vils frelons qui te li
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