pia fata_ dans une eglise catholique ne choque personne.]
O moment solennel! ce peuple prosterne,
Ce temple dont la mousse a couvert les portiques,
Ses vieux murs, son jour sombre, et ses vitraux gothiques;
Cette lampe d'airain, qui, dans l'antiquite,
Symbole du soleil et de l'eternite,
Luit devant le Tres-Haut, jour et nuit suspendue;
La majeste d'un Dieu parmi nous descendue;
Les pleurs, les voeux, l'encens, qui montent vers l'autel,
Et de jeunes beautes, qui, sous l'oeil maternel,
Adoucissent encor par leur voix innocente
De la religion la pompe attendrissante;
Cet orgue qui se tait, ce silence pieux,
L'invisible union de la terre et des cieux,
Tout enflamme, agrandit, emeut l'homme sensible;
Il croit avoir franchi ce monde inaccessible,
Ou, sur des harpes d'or, l'immortel seraphin
Aux pieds de Jehovah chante l'hymne sans fin.
C'est alors que sans peine un Dieu se fait entendre:
Il se cache au savant, se revele au coeur tendre;
Il doit moins se prouver qu'il ne doit se sentir.
Il y avait longtemps a cette date que la poesie francaise n'avait
module de tels soupirs religieux. Jusqu'a Racine, je ne vois guere, en
remontant, que ce grand elan de Lusignan dans _Zaire_. M. de Fontanes
essayait, avec discretion et nouveaute, dans la poesie, de faire
echo aux accents epures de Bernardin de Saint-Pierre, ou a ceux de
Jean-Jacques aux rares moments ou Jean-Jacques s'humilie. Son grand tort
est de s'etre distrait sitot, d'avoir recidive si peu.
Dans _le Jour des Morts_, il s'etait souvenu de Gray et de son
_Cimetiere de Campagne_; il se rapproche encore du melancolique Anglais
par un _Chant du Barde_:[108] tous deux reveurs, tous deux delicats et
sobres, leurs noms aisement s'entrelaceraient sous une meme couronne.
Gray pourtant, dans sa veine non moins avare, a quelque chose de plus
curieusement brillant et de plus hardi, je le crois. Les deux ou trois
perles qu'on a de lui luisent davantage. Celles de Fontanes, plus
radoucies d'aspect, ne sont peut-etre pas de qualite moins fine: le
chantre plaintif du _College d'Eton_ n'a rien de mieux que ces simples
_Stances a une jeune Anglaise_.
[Note 108: _Almanach des Muses_, 1783.--Fontanes, dans son voyage a
Londres, d'octobre 1785 a janvier 1780, vit beaucoup le poete Mason, ami
et biographe de Gray. Les filles d'un ministre, chez qui il logeait, lui
chantaient d'anciens airs ecossais: "Il est tres-vrai, ecrit-il dans une
lettre
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