ut, une inconstance de plus si l'on veut, mais j'ose dire aussi une
piete de poesie, avant d'etre, comme aujourd'hui, un honneur[97].
[Note 97: Cette Notice a ete ecrite en vue de l'edition des Oeuvres.]
Louis de Fontanes naquit a Niort, le 6 mars 1737, d'une famille
ancienne, mais que les malheurs du temps et les persecutions religieuses
avaient fait dechoir. L'etoile du berceau de madame de Maintenon semble
avoir jete quelque influence de gout, d'esprit et de destinee sur le
sien. La famille Fontanes, autrefois etablie dans les Cevennes (comte
d'Alais), y avait possede le fief d'_Apennes_ ou _des Apennes_, dont le
nom lui etait reste (Fontanes des Apennes): un village y portait aussi
le nom de _Fontanes_. Mais, a l'epoque ou naquit le poete, ce n'etaient
plus la que des souvenirs. Sa famille, comme protestante, ne vivait,
depuis la revocation de l'Edit de Nantes, que d'une vie precaire,
errante et presque clandestine. Son grand-pere, son pere meme etaient
protestants; il ne le fut pas. Sa mere, catholique, avait, en se
mariant, exige que ses fils ou filles entrassent dans la communion
dominante.
Les premieres annees de cet enfant a l'imagination tendre et sensible
furent tres-penibles, tres-sombres. Son frere aine avait etudie au
college des Oratoriens de Niort; mais lui, le second, sans doute a cause
de la gene domestique, fut confie d'abord a un simple cure de village,
ancien oratorien, le Pere Bory, par malheur outre janseniste. Le digne
cure, au lieu de tirer parti de cette jeune ame volontiers heureuse,
sembla s'attacher a la noircir de terreurs: il envoyait son eleve a la
nuit close, seul, invoquer le Saint-Esprit dans l'eglise; il fallait
traverser le cimetiere, c'etaient des transes mortelles. M. de Fontanes
y prit le sentiment terrible du religieux; pourtant l'imagination etait
peut-etre plus frappee que le coeur. Le cure ne se bornait pas aux
impressions morales, il y ajoutait souvent les duretes physiques; et le
pauvre enfant, pousse a bout, s'echappait, un jour, pour s'aller faire
mousse a La Rochelle: on le rattrapa. M. de Fontanes, en sauvant
l'esprit religieux, conserva toute sa vie l'aversion des dogmes durs
qui avaient contriste son enfance. S'il defendit le calvinisme dans son
discours qui eut le prix a l'Academie, c'etait au nom de la tolerance,
par un sentiment de convenance domestique et d'equite civile; mais il
n'en separa jamais dans sa pensee les longs malheurs que lui avait dus
sa famille
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