que chose de senti inspirait le tout.
Garat, rendant compte de l'_Almanach des Muses_ dans le _Mercure_ (avril
1780), s'arreta longuement sur le poeme de Fontanes, et le critiqua avec
une severite indirecte et masquee, qui put sembler piquante dans les
habitudes du temps. Il fait bien ressortir l'absence de plan, les
contradictions entre l'appareil didactique et certaines formes convenues
d'enthousiasme: _Que de tableaux divers!...A pas lents je m'egare_. Oui,
a pas lents. Mais il ne va pas au fond. Quand il en vient au style, il
frappe encore plus au hasard et souligne quelques-uns des vers que nous
citions precisement a titre de beaute. Fontanes fut tres-sensible a
l'article de Garat, et faillit en etre decourage a cette entree dans la
carriere. La plus sure preuve de l'impression profonde qu'il en recut,
c'est que trente-sept ans apres, lorsqu'il fixa la redaction derniere de
_la Foret de Navarre_, il tint compte dans sa refonte de presque toutes
les critiques de detail, meme de celles ou Garat avait tort. Voila de la
sensibilite de poete, mais bien modeste et docile.
Garat, que nous trouvons ainsi au debut de Fontanes, et qui, nonobstant
son article severe, d'ailleurs tres-convenable, fut et resta lie avec
lui dans les annees qui precederent la Revolution, Garat, plus age de
plusieurs annees, nous offre a certains egards, et en fait de destinee
litteraire, le pendant du poete dans le camp oppose, dans les rangs
philosophiques: grand talent de prosateur, s'essayant d'abord aux eloges
academiques, se dispersant en tout temps aux journaux, puis intercepte
brusquement par la Revolution et desormais lance a tous les souffles de
l'orage; exemple deplorable et frappant du danger de ne se recueillir
sur rien, et, avec des facultes superieures, de ne laisser qu'une
memoire eparse, bientot naufragee! Durant la Revolution, soit sous
la Terreur, soit apres Fructidor, Fontanes crut avoir beaucoup a se
plaindre de lui, et il rompit tout rapport avec un adversaire au moins
indiscret, qui se figurait peut-etre, dans son sophisme d'imagination,
continuer simplement envers le proscrit politique l'ancienne polemique
litteraire. Mais, sans faire injure a aucune memoire, et dans
l'eloignement ou l'on est de leur tombe, on ne peut s'empecher de
pousser le rapprochement: Garat, avec plus de verve et bien moins de
gout, louant Desaix et Kleber, comme Fontanes louait Washington; Garat
se flattant toujours d'elever le monument metaphysique
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