intes dans des vers toujours dictes par mon coeur.. J'ai eu pour
atelier le bord des mers, les forets, le sommet des montagnes. Je n'ai
trace que des scenes lugubres, analogues a ma situation. Ma poesie
doit avoir des traits un peu sauvages et peut-etre barbares.. Quand
je portais les yeux sur Paris, j'etais effraye des perils ou je
m'exposerais en m'y montrant. Un homme de dix-huit ans, ignorant l'art,
de l'intrigue et de l'adulation, pouvait-il esperer, en effet, d'etre
accueilli dans la republique des lettres?.. Ainsi, me disais-je, coulons
dans le silence des jours deja trop agites, et dont, (ma faible sante
l'annonce) le terme heureusement sera court.
Tel etait le plan que je m'etais forme. Je vous vis alors, et je compris
qu'il y avait plusieurs classes dans la litterature, etc."
Ce titre sentimental de la piece, _le Cri de mon Coeur_, fut donne par
Dorat lui-meme; Fontanes, quand il y resongeait depuis, en rougissait
toujours.]
L'_Almanach des Muses_ de 1780 le fit plus hautement connaitre, en
publiant _la Foret de Navarre_. Ce petit poeme descriptif, vu a sa date,
avait de la fraicheur et de la nouveaute. L'auteur, en y developpant
une peinture deja touchee dans _la Henriade_, y faisait preuve de son
admiration pour Voltaire et de son amour pour Henri IV, deux traits
essentiels qui ne le quitterent jamais. Il y marquait par un vers
d'eloge sa deference a Delille, deja celebre depuis 1770; mais, meme a
cette heure de jeunesse premiere, il semblait plus sobre, plus modere
en hardiesse que ce maitre brillant. On remarquait, a travers les
exclamations descriptives d'usage, bien des vers heureux et simples, de
ces vers trouves, qui peignent sans effort:
Le poete aime l'ombre, il ressemble au berger....
L'oiseau se fait, perche sur le rameau qui dort....
Foulant de hauts gazons respectes du faucheur....
Ils ne sont plus ces jours ou chaque arbre divin
Enfermait sa Dryade et son jeune Sylvain,
Qui versaient en silence a la tige alteree
La seve a longs replis sous l'ecorce egaree.
Il n'y avait pas abus de coupes, quelques-unes pourtant assez neuves,
quelques jets un peu libres, que plus tard son ciseau, en y revenant,
supprima:
Quel calme universel! je marche: l'ombre immense,
L'ombre de ces ormeaux dont les bras etendus
Se courbent sur ma tete en voutes suspendus,
S'entasse a chaque pas, s'elargit, se prolonge,
_Croit toujours_; et mon coeur dans l'extase se plonge.
Enfin, quel
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