ligeance pour les personnes d'un autre parti; jamais elle ne fut
aigrie par les haines violentes dont j'etais l'objet, les mauvais
procedes et les propos injurieux a mon egard, toutes sottises
indifferentes a ses yeux du point ou elle les regardait et ou sa bonne
opinion de moi voulait bien me placer.--Vous savez comme moi tout ce
qu'elle a ete, tout ce qu'elle a fait pendant la Revolution. Ce n'est
pas d'Etre venue a Olmuetz, comme l'a dit Charles Fox, "sur les ailes du
devoir et de l'amour," que je veux la louer ici, mais c'est de n'etre
partie qu'apres avoir pris le temps d'assurer, autant qu'il etait en
elle, le bien-etre de ma tante et les droits de nos creanciers; c'est
d'avoir eu le courage d'envoyer George en Amerique.--Quelle noble
imprudence de coeur a rester presque la seule femme de France compromise
par son nom, qui n'ait jamais voulu en changer[92]! Chacune de ses
petitions ou reclamations a commence par ces mois: _La femme La
Fayette_. Jamais cette femme, si indulgente pour les haines de parti,
n'a laisse passer, lorsqu'elle etait sous l'echafaud, une reflexion
contre moi sans la repousser, jamais une occasion de manifester mes
principes sans s'en honorer et dire qu'elle les tenait de moi; elle
s'etait preparee a parler dans le meme sens au tribunal, et nous avons
tous vu combien cette femme si elevee, si courageuse dans les grandes
circonstances, etait bonne, simple, facile dans le commerce de la vie,
trop facile meme et trop bonne, si la veneration qu'inspirait sa vertu
n'avait pas compose de tout cela une maniere d'etre tout a fait a part.
C'etait aussi une devotion a part que la sienne. Je puis dire que,
pendant trente-quatre ans, je n'en ai pas eprouve un instant l'ombre de
gene; que toutes ses pratiques etaient sans affectation subordonnees a
mes convenances; que j'ai eu la satisfaction de voir mes amis les plus
incredules aussi constamment accueillis, aussi aimes, aussi estimes,
et leur vertu aussi completement reconnue que s'il n'y avait pas eu de
difference d'opinions religieuses; que jamais elle ne m'a exprime autre
chose que l'espoir qu'en y reflechissant encore, avec la droiture de
coeur qu'elle me connaissait, je finirais par etre convaincu. Ce qu'elle
m'a laisse de recommandations est dans le meme sens, me priant de lire,
pour l'amour d'elle, quelques livres, que certes j'examinerai de nouveau
avec un veritable recueillement: et appelant sa religion, pour me la
faire mieux aimer, _la souverain
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