t La Fayette d'avoir fait
une grande faute, et il se trouva que cette faute etait, non, comme lord
Holland l'avait d'abord compris, de s'etre declare contre le 10 aout,
mais de n'avoir pas, quelques mois plus tot, renverse l'Assemblee,
retabli le pouvoir royal et saisi le gouvernement. Sans etre Fouche, on
peut remarquer, au point de vue politique et du succes, que, dans de
telles circonstances, la demonstration de La Fayette, ainsi limitee,
devait demeurer inefficace; que proclamer le droit et attendre, l'arme
au bras, une manifestation honnete, puis, s'il ne vient rien, se
retirer, c'est compter sans doute plus qu'il ne faut sur la force morale
des choses; comme si, a part certains moments uniques et qui, une fois
vus, ne se retrouvent pas, rien se faisait tout seul dans les nations;
comme s'il ne fallait pas, dans les crises, qu'un homme y mit la
main, et fit et fit faire a tous meme les choses justes et bonnes, et
_libres_.
Mais La Fayette (et voila ce qui importe), en allant au dela, n'etait
plus le meme; il sortait de l'esprit de sa ligne, de sa fidelite a ses
serments, de sa religion publique; il tombait dans la classe des hommes
a 18 brumaire. Que cette tache eut ete, ou non, en rapport avec ses
forces, c'est ce que je n'examine point. Le premier obstacle etait
dans la morale meme qu'il professait, dans son respect pour la liberte
d'autrui, dans l'idee la plus fondamentale et la plus sacree de sa
politique. Au-dessus de l'utilite immediate et disputee qu'il eut pu
apporter au pays par une intervention en armes, il y avait pour lui,
homme de conviction, quelque chose de bien plus considerable dans
l'avenir. Si l'idee de liberte n'etait pas engloutie sans retour, s'il
devait y avoir pour elle, comme il ne cessait de l'esperer, reveil,
purification et triomphe, ce n'etait qu'au prix de cette attente, de
cette abnegation, de ce respect temoigne par quelqu'un (ne fut-ce qu'un
seul!) envers la liberte de tous, meme egaree et enchainee. Il eut cette
idee, et elle est grande; elle est digne en elle-meme de tout ce que
l'antiquite peut offrir de stoique au temps des triumvirs, et elle a de
plus l'inspiration sociale, qui est la beaute moderne. En passant la
frontiere, dans les prisons de Magdebourg, de Neisse et d'Olmuetz, plus
tard dans son isolement de Lagrange sous l'Empire, il se disait: "Il y a
donc quelque utilite dans ma retraite, puisqu'elle affiche et entretient
l'idee que la liberte n'est pas abandonnee sans e
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