'a ce qu'ils l'eussent entendu, qu'ils etaient
aristocrates_. Les remedes qu'il proposerait sont modestes, de simples
palliatifs, les seuls qu'il croie _proportionnes_, dit-il encore, _a
l'etat present de l'estomac national_.
[Note 86: Tome IV.]
[Note 87: Souvenirs au sortir de prison.]
La spirituelle et bonne madame de Tesse a beau, comme d'habitude, le
chicaner agreablement sur sa disposition a l'espoir; qui ne le croirait
gueri? Il lui repond d'Utrecht, a propos des _imbroglios_ d'intrigues
croisees qui remplirent l'intervalle du 30 prairial au 18 brumaire: "Je
suis persuade que les anciens et les nouveaux jacobins combattent, comme
dans les tournois, avec des armes ensorcelees; et tout me confirme que
les insurrections ne sont plus pour un regime libre, mais, au contraire,
pour le plus bete et le plus absolu despotisme. Il ne me reste donc pour
esperer qu'un _je ne sais quoi_ dont vous n'aurez pas de peine a faire
rien du tout." Pourtant l'aimable _cousine_ (comme il appelle sa tante)
ne se tient pas pour convaincue, et, du fond de son Holstein, elle le
moralise toujours. La Fayette est alors en Hollande; on parle d'une
invasion prussienne; il la croit combinee avec la France et ne s'en
inquiete; elle, madame de Tesse, un peu peureuse comme madame de Sable,
avec laquelle, par l'esprit, elle a tant de rapports, lui ecrit de
ne pas compter sur ce sang-froid qui pourrait bien l'abuser en ses
jugements. Dans le plus tendre petit billet, elle lui cite et lui
applique cette pensee de Vauvenargues: "Nous prenons quelquefois pour
le sang-froid une passion serieuse et concentree qui fixe toutes les
pensees d'un esprit ardent et le rend insensible aux autres choses."
Madame de Tesse a-t-elle donc tout a fait tort? La Fayette est-il
completement gueri et tempere, rompu, sinon dans ses convictions, du
moins dans ses vues du dehors? L'experience a-t-elle agi? A lire ce
qu'il a ecrit de 97 a 1814, on le dirait.
Mais ce qu'on ecrit, ce qu'on dit de plus judicieux, de plus fin, dans
les intervalles de l'action, ne prouve pas toujours; on ne saurait
conclure de toutes les qualites de l'ecrivain historien, de l'homme
sorti de la scene et qui la juge, a celles de ce meme homme en action
et en scene. Il y a la une difference essentielle; et c'est ce qui
nous doit rendre fort humbles, fort circonspects, nous autres simples
ecrivains, quand nous jugeons ainsi a notre aise des personnages
d'action. On decouvre, on analyse le vrai
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