"Ce double souvenir aura
ete heureusement renouvele dans votre paisible retraite par la nouvelle
de l'extension du bienfait de l'independance a toute l'Amerique
(les divers Etats de l'Amerique du Sud venaient de proclamer leur
independance). Nous avons eu le plaisir de prevoir cet evenement et
la bonne fortune de le preparer." Ainsi, La Fayette se felicite de
l'emancipation de l'Amerique du Sud, et il ne songe a aucune restriction
dans son espoir. Que repond Jefferson? ce que Washington eut repondu;
il modere prudemment la joie de son ami: "Je me joins sincerement a vos
voeux pour l'emancipation de l'Amerique du Sud. Je doute peu qu'elle
ne parvienne a se delivrer du joug etranger; mais le resultat de mes
observations ne m'autorise pas a esperer que ces provinces soient
capables d'etablir et de conserver un gouvernement libre..." Et il
continue l'expose vrai du tableau. La Fayette y adhere sans doute,
mais il n'y avait pas songe le premier. Nous surprenons la le grand
emancipateur _quand meme_!
[Note 89: Tome V, page 99.]
[Note 90: Tome V, page 476.]
Apres cela, cette part faite a un certain pli tres-creuse du caractere
de La Fayette, je crois que l'experience pour lui ne fut pas vaine, et
qu'il y eut de ce cote un autre pli en sens oppose, non moins creuse
peut-etre, et dont son role officiel a dissimule la profondeur. Lorsque,
apprenant la mort de son ami La Rochefoucauld, il ecrivait de sa prison
que _le charme_ etait detruit et que _le sourire_ de la multitude
n'avait plus pour lui de delices, il allait trop loin, il oubliait
l'effet du temps qui cicatrise; le sourire, plus tard, a ses yeux
est encore revenu. Pourtant on l'a vu depuis, en chaque circonstance
decisive, se mefier apres le premier moment, et malgre sa bonne
contenance, n'etre pas fache d'abreger. Il n'a pas tout a fait tenu ni
du tenir ce qu'il ecrivait a madame de La Fayette (30 octobre 1799):
"Quant a moi, chere Adrienne, que vous voyez avec effroi pret a rentrer
dans la carriere publique, je vous proteste que je suis peu sensible a
beaucoup de jouissances dont je fis autrefois trop de cas. Les besoins
de mon ame sont les memes, mais ont pris un caractere plus serieux, plus
independant des cooperateurs et du public dont j'apprecie mieux les
suffrages. Terminer la Revolution a l'avantage de l'humanite, influer
sur des mesures utiles a mes contemporains et a la posterite, retablir
la doctrine de la liberte, consacrer mes regrets, fermer des "ble
|