ira d'affaire; il prit devant eux une tres-bonne position.
Dumouriez, qui n'avait joue jusqu'alors que des roles subalternes, se
montra fort superieur a ce qu'on devait attendre de lui. Il deploya
beaucoup de talent, des vues etendues, et l'on jugea pendant quelque
temps de son patriotisme par ses "Succes."--En ce temps de grandes
phrases, je me sens de plus en plus touche de ce qui n'est que _bien
dit_.
A partir de 92 jusqu'en 1814, la portion de ces Memoires, qui ne
comprend pas moins d'un volume, est d'un interet et d'une nouveaute
qu'on doit precisement a l'intervalle du role politique actif. Les cinq
annees de prison attachent par tous les caracteres de beaute morale, de
constance civique, et meme d'entrain chevaleresque; les lettres a madame
d'Henin, ecrites avec de la suie et un cure-dent, sont legeres comme
au bon temps, semillantes, puis tout d'un coup attendries. Emprisonne,
odieusement reduit a toutes les privations, parce que _son existence est
declaree incompatible avec la surete des Gouvernements_, La Fayette ne
cesse un seul instant d'etre a la hauteur de sa cause. Quand on lui fait
d'abord demander quelques conseils sur l'etat des choses en France, il
se contente de repondre que _le roi de Prusse est bien impertinent_. Les
mauvais traitements viennent, et le martyre se prolonge, se raffine:
"Comme ces mauvais traitements, dit-il, n'effleurent pas ma sensibilite
et flattent mon amour-propre, il m'est facile de rester a ma place et de
sourire de bien haut a leurs procedes comme a leurs passions." Il ajoute
en plaisantant: "Quoiqu'on m'ait ote avec une singuliere affectation
quelques-uns des moyens de me tuer, je ne compte pas profiter de
ceux qui me restent, et je defendrai ma propre constitution aussi
constamment, mais vraisemblablement avec aussi peu de succes que la
constitution nationale." Il repond encore a ceux qui lui enlevent
couteaux et fourchettes, _qu'il n'est pas assez prevenant pour se tuer_.
En arrivant a Olmuetz, on lui confisque quelques livres que les Prussiens
lui avaient laisses, notamment le livre de _l'Esprit_ et celui du _Sens
commun_; sur quoi La Fayette demande poliment _si le Gouvernement les
regarde comme de contrebande_. Il exige de ses amis du dehors qu'on ne
parle jamais pour lui, dans quelque occasion et pour quelque interet que
ce soit, que d'une maniere conforme a son caractere et a ses principes,
et il ne craint pas de pousser jusqu'a l'exces ce que madame de Tesse
appelle
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