_la faiblesse d'une grande passion_. L'heroisme domestique,
l'attendrissement de famille, mais un attendrissement toujours contenu
par le sentiment d'un grand devoir, penetre dans la prison avec madame
de La Fayette. Cette noble personne ecrit, a son tour, a madame d'Henin:
"Je suis charmee que vous soyez contente de ma correspondance avec la
cour (de Vienne), et du maintien du prisonnier; il est vrai que le
sentiment du mepris a garanti son coeur du malheur de hair. Quels
qu'aient ete les raffinements de la vengeance et les choix expres de la
cour, vous savez que sa maniere en general est assez imposante...."
Une telle facon d'endurer le martyre politique vaut bien celle de
l'excellent Pellico[85].
[Note 85: Chez celui-ci, en effet, l'humilite chretienne, au-dessus
de laquelle, comme beaute morale, il n'y a rien, a pourtant pris la
forme d'une ame plus tendre et douce que vigoureuse, et, plus qu'il
n'etait necessaire a l'angelique attitude de la victime, ce que
j'appelle _le genereux humain_ y a peri. Ce genereux humain eclate
dans tout son ressort chez La Fayette captif, et non sans un auguste
sentiment de deisme qui y fait ciel. Madame de La Fayette introduit
a cote le christianisme pratique, fervent, mais un christianisme qui
accepte et qui veut le genereux.]
Dans un ecrit intitule _Souvenirs au sortir de prison_[86], La Fayette
recapitule et rassemble ses propres sentiments muris, ses jugements des
hommes au moment de la delivrance, et la situation sociale tout entiere:
c'est une piece historique bien ferme et de la plus reelle valeur. On
l'y voit, et en general dans tous ses ecrits et toutes ses lettres de 97
a 1814 on le voit appreciant les choses sans illusion, les penetrant,
les analysant en tous sens avec sagacite, et ne se preoccupant
exclusivement d'aucune forme politique. Il serait pret volontiers a se
rallier a la Constitution de l'an III: "Les malheurs arrives sous le
regime republicain de l'an III, dit-il, ne peuvent rien prejuger contre
lui, puisqu'ils tiennent a des causes tout autres que son organisation
constitutionnelle." Pourtant, a peine delivre par l'intervention du
Directoire, il a a s'exprimer sur les mesures de fructidor, et sa
premiere parole est pour les reprouver. Car ce qu'il veut avant tout,
c'est l'esprit et la pratique de la liberte, de la justice: "Quel
scandale, nous dit-il en propres termes, bien qu'a demi-voix [87],
si j'avais avoue que, dans l'organisation sociale, je ne tiens
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