xception et sans
retour."
Par sa sortie de France en 92, la vie politique de La Fayette durant
notre premiere Revolution se dessine nettement, et elle devient
l'exemplaire-modele en son espece. Il a pu dire, apres sa delivrance
d'Olmuetz, ce qu'on redit volontiers avec lui apres les passions
eteintes: "_Le bien et le mal de la Revolution paraissaient, en general,
separes par la ligne que j'avais suivie_." Son nom, que j'aime a trouver
de bonne heure honore dans un iambe d'Andre Chenier, a passe, depuis
quarante ans deja, en circulation, comme la medaille la mieux frappee et
la plus authentique des hommes de 89.
La gloire et le malheur de ces medailles trop courantes est d'etre comme
les monnaies qui bientot s'usent; on n'en veut plus; mais l'histoire
vient, et de temps en temps, par quelque aspect nouveau, les refrappe et
les ravive.
Le titre d'homme de 89, dont La Fayette nous offre la personnification
equestre et en relief, reste lui-meme le plus honorable, non-seulement
en politique, mais en tous les genres et dans toutes les carrieres. En
toutes choses il y a, j'oserai dire, l'homme de 89, le girondin et
le jacobin; je ne parle pas de la nature des opinions, mais de leur
caractere et de leur allure; ce sont la comme trois familles d'esprits;
on les retrouve plus ou moins partout ou il y a mouvement d'idees.
L'homme de 89, c'est-a-dire d'audace et d'innovation, mais avec limites
et garanties, avec circonspection passe son 14 juillet, et avec arret
devant les 10 aout, l'esprit sans prejuges, courageux, qui apporte au
monde sa part d'innovation et de decouverte, mais qui ne pretend pas
le detruire tout entier pour le refaire; qui ouvre sa breche, mais qui
reconnait bien vite, en avancant, de certaines mesures imposees par le
bon sens et par le fait, par l'honnetete et par le gout; qui n'abjure
pas dans les mecomptes, mais se ralentit seulement, se resserre, et
attend aux endroits impossibles, sans forcer, sans renoncer...: qu'on
acheve le portrait, que je craindrais de faire trop vague en le tracant
dans cette generalite. Veut-on des noms? en philosophie Locke en est,
Descartes lui-meme n'en sort pas: j'y mets Andre Chenier en poesie.
Il y a une classe d'esprits girondins; cela est plus audacieux, plus
temeraire; ils sont plus percants et plus etroits; ils vont d'abord aux
extremes, mais ils reculent a un certain moment: une certaine honnetete
de gout, de sentiment, les tient, les saisit et les sauve. On trouve
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