e d'avance son diner. Lorsque la caleche arriva
devant la porte du restaurant, on se precipita au-devant de Son
Excellence que l'on conduisit ceremonieusement a la table qui avait
ete dressee dans un jardin, au bord de la riviere, dont les eaux
tranquilles, retenues par un barrage, effleuraient le gazon.
--Mademoiselle n'aura-t-elle pas froid? demanda Roger, qui pensait aux
precautions de madame de Barizel dans les salles du chateau d'Eberstein.
Ce fut madame de Barizel qui se chargea de repondre:
--Je crains le froid humide des appartements, dit-elle, mais non la
fraicheur du plein air.
Elle la craignait si peu qu'apres le diner elle proposa a sa fille de
faire une promenade en bateau.
--Va, mon enfant, dit-elle, va, mais ne fais pas d'imprudence.
Une petite barque etait amarree a quelques pas de la. Corysandre
nonchalamment, se dirigea de son cote; mais Roger la suivit et, s'etant
embarque avec elle, ce fut lui qui prit les avirons.
Pendant assez longtemps il la promena en tournant devant la table ou
madame de Barizel et Savine etaient restes assis puis, ayant releve les
avirons, il laissa la barque descendre lentement le courant.
Corysandre etait assise a l'arriere et elle restait la sans faire un
mouvement, sans prononcer une parole, le visage tourne vers Roger et
eclaire en plein par la pale lumiere de la lune, qui se levait.
--Est-ce que vous avez vu plus belle soiree que celle-la? dit-il.
--Non, dit-elle, jamais.
--Voulez-vous que nous retournions?
--Allons encore.
Et la barque continua de suivre le courant; mais bientot ils toucherent
le barrage et alors Roger dut reprendre les avirons. Cette fois c'etait
lui qui etait eclaire par la lune; il lui sembla que Corysandre, dont
les yeux etaient noyes dans l'ombre, le regardait comme lui-meme
quelques instants auparavant l'avait regardee.
IX
On arriva a Bade, et avant d'entrer dans les allees de Lichtenthal,
madame de Barizel invita tres gracieusement le duc de Naurouse a
les venir voir; sa fille et elle seraient heureuses de parler de la
delicieuse journee qui finissait.
Pour la premiere fois Corysandre se mela a l'entretien d'une facon
directe et avec une certaine initiative.
--Et de la terrasse d'Eberstein, dit-elle en se penchant vers Roger.
--Alors le diner ne merite pas un souvenir? dit Savine d'un air bourru.
Mais Corysandre ne daigna pas repondre; ce fut sa mere qui, voyant
qu'elle se taisait, prodigua les remerci
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