ouraient le monde, car n'ayant
jamais eu l'intention d'epouser mademoiselle de Barizel, il ne s'etait
pas donne la peine de faire faire une enquete serieuse sur elle et sur
sa mere. Que lui importait, il n'avait souci que de sa beaute, et cette
beaute se manifestait a tous eclatante, indiscutable.
Naurouse ecoutait sans interrompre, religieusement. Ce nom de Barizel
ne lui disait rien; c'etait la premiere fois qu'il l'entendait et
il n'avait aucune idee de ce qu'il pouvait valoir; mais il ne s'en
inquietait pas autrement: cette blonde admirable ne pouvait etre qu'une
fille de race.
Ils etaient revenus sur leurs pas et ils allaient de nouveau passer
devant elles:
--Voulez-vous que je vous presente? demanda Savine.
--Ne serait-ce pas plutot a madame de Barizel qu'il faudrait demander si
elle veut bien que je lui sois presente?
--Puisque vous etes mon ami! dit Savine superbement.
Sans attendre une reponse, sans meme penser qu'on pouvait lui en faire
une, il entraina doucement son ami, comme il disait: ce n'etait pas le
duc de Naurouse qu'il presentait, c'etait son ami, et selon lui cela
devait suffire.
Cependant ce fut ceremonieusement qu'il fit cette presentation et en
insistant sur le titre de Roger, sinon pour madame de Barizel, au moins
pour la galerie, dont il etait, comme toujours, bien aise d'attirer
l'attention.
Madame de Barizel avait offert la chaise sur le barreau de laquelle elle
appuyait ses pieds a Savine et, sur un signe de sa mere, Corysandre
avait offert la sienne a Roger, qui se trouva ainsi place vis-a-vis "de
la belle fille blonde" qui avait si fort occupe son esprit, libre de la
regarder, libre de lui parler, libre de l'ecouter.
A vrai dire, la seule de ces libertes dont il usa fut celle du regard;
ce fut a peine s'il parla, ne disant que tout juste ce qu'exigeaient
les convenances; et, pour Corysandre, elle parla encore moins, mais son
attitude ne fut pas celle de l'indifference, de l'ennui ou du dedain.
Tout au contraire, c'etait avec un sourire que Roger trouvait le plus
ravissant qu'il eut jamais vu qu'elle suivait l'entretien de sa mere et
de Savine, et bien qu'il fut toujours le meme, ce sourire, bien qu'il
ne traduisit qu'une seule impression, il etait si joli, si gracieux en
plissant les paupieres, en creusant des fossettes dans les joues, en
entr'ouvrant les levres, qu'on pouvait rester indefiniment sous son
charme sans penser a se demander ce qu'il exprimait et meme s'il
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