et des periphrases pour lui repondre, qu'elle lui montrait
si franchement son consolateur, ce beau garcon aux yeux passionnes! Et
un moment il avait eu peur d'elle!
--Comment le trouves-tu? demanda madame d'Arvernes.
Cette interrogation acheva de lui rendre sa raison.
--Charmant, dit-il en riant.
--N'est-ce pas! Comme tu dis, il est charmant; beau garcon, tu vois
qu'il l'est; bon, tendre, confiant, il l'est aussi; c'est une excellente
nature, mais malgre toutes ses qualites, et elles sont reelles, elles
sont nombreuses, tu sais, ce n'est pas toi. Ah! Roger, comme je t'ai
aime et comme tu m'as fait souffrir! Si ce garcon n'avait pas ete la, je
serais devenue folle.
--Il etait la.
--Heureusement; mais enfin ce n'est pas toi, mon Roger.
Disant cela, elle fixa sur son Roger un regard dans lequel il y avait
tout un monde de souvenirs et meme peut-etre autre chose que des
souvenirs; mais l'heure de l'emotion etait passee; maintenant il etait
decide a prendre la situation gaiement.
--Ah! pourquoi es-tu parti? continua madame d'Arvernes, nous nous
aimerions toujours. Moi, jamais je ne me serais separee de toi. Mais tu
as voulu etre chevaleresque. Quelle folie! Tu vois a quoi a servi ce
sacrifice; car cela a ete un sacrifice pour toi, n'est-ce pas?
--N'as-tu pas vu ma lutte, mes hesitations apres que j'avais donne ma
parole, ma douleur, mon desespoir? Que pouvais-je?
--C'est vrai et je suis injuste en demandant a quoi a servi ton
sacrifice. Je ne suis pas pour M. de Baudrimont ce que j'etais pour toi;
il n'est pas pour moi ce que tu etais; je ne suis pas fiere de lui comme
je l'etais de toi; je ne m'en pare pas. Pour le monde, il n'y a rien a
blamer: les convenances sont sauves, c'est plat, c'est bourgeois. M.
d'Arvernes est heureux. Mais toi, comment t'es-tu console? Qui t'a
console?
--Personne.
Elle le regarda avec un sourire equivoque en se serrant contre lui:
--Ah! Carino, murmura-t-elle.
Mais cette pression, qui naguere le secouait de la tete aux pieds,
arretait le sang dans ses veines et contractait tous ses nerfs, le
laissa insensible et froid.
Il y eut un moment de silence, puis elle reprit:
--Nous allons diner ensemble...
--Mais...
--... Oh! avec lui, je ne veux pas lui faire ce chagrin, il est deja
bien assez malheureux de notre entretien. Maintenant j'ai une grace a te
demander: il voudra se lier avec toi...
--... Mais...
--... Il veut ce que je veux. Laisse-toi faire; ac
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