l'un et l'autre, elle s'appuyant
doucement sur lui en le pressant contre elle, ce qui etait loin de lui
rendre le calme.
Ce fut seulement apres etre sortis de la foule qu'elle prit la parole:
se haussant vers lui, mais sans le regarder, elle murmura:
--_Carino, Carino_, enfin je te revois!
Il ne repondit pas, ne sachant que dire et se demandant ou allait
aboutir cet entretien commence sur ce ton. Ce qu'il avait redoute se
realisait-il donc? L'aimait-elle encore? Pour lui il etait emu par cette
pression de son bras et plus encore par ce nom de _Carino_ qu'elle avait
si souvent prononce et qui evoquait tant de souvenirs passionnes; mais
le sentiment qu'il eprouvait ne ressemblait en rien a l'amour.
--Que je suis heureuse de te revoir! continua-t-elle. Et toi que
ressens-tu, en me retrouvant, en m'entendant? Tu ne dis rien.
--Un sentiment de grande joie, dit-il franchement.
Elle s'arreta et, tournant a demi la tete, elle le regarda en face,
plongeant dans ses yeux.
--Vrai, dit-elle, c'est vrai?
Mais elle ne trouva pas sans doute dans ces yeux ce qu'elle y cherchait,
car elle baissa la tete et reprit son chemin.
--Tu ne me demandes pas ce que je suis devenue sur la jetee du Havre,
dit-elle, quand j'ai vu le vapeur, qui t'emportait s'eloigner, me
laissant la desesperee, aneantie, folle. Comment as-tu pu avoir ce
courage feroce? Comment as-tu pu m'abandonner;--elle baissa la voix,--et
au lit encore?
Avant qu'il eut repondu a ces questions qui etaient pour lui
terriblement embarrassantes, il fut distrait par un signe de la main
gauche que venait de faire madame d'Arvernes. Machinalement il regarda a
qui ce signe etait adresse, il vit que c'etait a un jeune homme qui se
trouvait a une courte distance et qui, bien evidemment, avait ete arrete
par madame d'Arvernes au moment meme ou il s'approchait d'eux: ce jeune
homme etait un grand beau garcon, solide et bien bati, de tournure
elegante, a la mine fiere, avec des yeux au regard veloute.
Madame d'Arvernes avait suivi le mouvement du duc de Naurouse et elle
avait tres bien senti qu'il examinait curieusement ce jeune homme; elle
se mit a sourire et, prenant un ton enjoue:
--Sans lui, je ne me serais pas consolee. Le vicomte de Baudrimont. Je
te le presenterai, mais pas tout de suite; il nous generait.
Ces quelques paroles avaient ete une douche glacee qui s'etait abattue
sur les epaules de Naurouse. Eh quoi, c'etait quand il cherchait des
mots adoucis
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