l'interet du recit, il me
parait, a moi, tres-vif dans les faits memes. Qui sait s'il ne se sera
pas evanoui sous ma main?
Mais tout n'est pas histoire dans cet ouvrage. Apres la premiere partie,
qui renferme la vie d'Abelard et qui peut aussi donner une vue generale
de son talent et de ses idees, il me restait a faire connaitre ses
ecrits. A l'exception de quelques lettres sur ses malheurs, ils sont
tous philosophiques ou theologiques: j'ai donc joint au livre premier,
un livre sur la philosophie, un livre sur la theologie d'Abelard. Cette
partie de mon travail, pour etre la plus neuve, n'etait pas la plus
attrayante, et j'ignore si ce n'est point une temerite que d'avoir
voulu rendre de l'interet a la science si longtemps decriee sous le nom
desastreux de scolastique.
A la fin du dernier siecle, une telle entreprise aurait paru insensee.
Le temps meme n'est pas loin ou le courage m'aurait manque pour
l'accomplir. Mais de nos jours, le tombeau du moyen age a ete rouvert
avec encore plus de curiosite que de respect. On s'est plu a y
contempler les grands ossements que les annees n'avaient pas detruits,
a y recueillir les joyaux grossiers ou precieux qui brillaient encore
meles a de froides poussieres. Les monuments ou ces reliques languirent
oubliees si longtemps, sont devenus l'objet d'une admiration passionnee,
comme s'ils etaient retrouves d'hier, et que la terre les eut jadis
enfouis dans son sein. Ne pouvant inventer le neuf, on s'est epris du
plaisir de comprendre le vieux. L'enthousiasme du passe est venu colorer
la critique, echauffer l'erudition. A juger severement notre epoque, on
pourrait dire que les faits reels reveillent seuls en elle l'imagination
et qu'elle ne retourne a la poesie que par l'histoire.
A-t-il ete presomptueux d'esperer que le gout d'antiquaire qui s'attache
aux moeurs, aux formes, aux edifices des ages gothiques, s'etendrait
jusqu'a leurs idees, et qu'on aimerait a connaitre la science
contemporaine de l'art qu'on admire?
Il ne faut rien dissimuler, ce livre est tres-serieux. Nous ne nous
sommes point arrete a la surface. Rassembler en passant quelques traits
de la physionomie d'un homme et d'une epoque, offrir de rares extraits,
piquants par leur singularite, choisis a plaisir dans les debris d'une
litterature a demi barbare, aurait suffi peut-etre pour donner a
quelques pages un interet de curiosite. Ce n'etait pas assez pour nous.
Notre ambition a ete de faire connaitre, avec l
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