rdu pour moi dans la nuit des temps passes. Tu iras chercher a la
fontaine deux seaux d'eau. Une fois le parquet lave, tu mettras ces
linges dans la chambre voisine. Si la blanchisseuse revient ce soir,
comme elle doit le faire, tu les lui remettras; mais, comme il a plu
beaucoup depuis une heure, et qu'il continue de pleuvoir, je ne crois pas
qu'elle sorte de chez elle; alors, elle viendra demain matin. Si elle te
demande d'ou vient tout ce sang, tu n'es pas oblige de lui repondre. Oh!
que je suis faible! N'importe: j'aurai cependant la force de soulever le
porte-plume et le courage de creuser ma pensee. Qu'a-t-il rapporte au
Createur de me tracasser, comme si j'etais un enfant, par un orage qui
porte la foudre? Je n'en persiste pas moins dans ma resolution d'ecrire.
Ces bandelettes m'embetent, et l'atmosphere de ma chambre respire le
sang ...
* * * * *
Qu'il n'arrive pas le jour ou, Lohengrin et moi, nous passerons dans la
rue, l'un a cote de l'autre, sans nous regarder, en nous frolant le
coude, comme deux passants presses! Oh! qu'on me laisse fuir a jamais
loin de cette supposition! L'Eternel a cree le monde tel qu'il est: il
montrerait beaucoup de sagesse si, pendant le temps strictement
necessaire pour briser d'un coup de marteau la tete d'une femme, il
oubliait sa majeste siderale, afin de nous reveler les mysteres au
milieu desquels notre existence etouffe, comme un poisson au fond d'une
barque. Mais, il est grand et noble; il l'emporte sur nous par la
puissance de ses conceptions; s'il parlementait avec les hommes, toutes
les hontes rejailliraient jusqu'a son visage. Mais ... miserable que tu
es! pourquoi ne rougis-tu pas? Ce n'est pas assez que l'armee des
douleurs physiques et morales, qui nous entoure, ait ete enfantee: le
secret de notre destinee en haillons ne nous est pas divulgue. Je le
connais, le Tout-Puissant ... et lui, aussi, doit me connaitre. Si, par
hasard, nous marchons sur le meme sentier, sa vue percante me voit
arriver de loin: il prend un chemin de traverse, afin d'eviter le triple
dard de platine que la nature me donna comme une langue! Tu me feras
plaisir, o Createur, de me laisser epancher mes sentiments. Maniant les
ironies terribles, d'une main ferme et froide, je t'avertis que mon
coeur en contiendra suffisamment, pour m'attaquer a toi, jusqu'a la fin
de mon existence. Je frapperai ta carcasse creuse: mais, si fort, que je
me charge d'en faire sortir le
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