ux pour aimer mes semblables! Non,
non! Je l'ai resolu depuis le jour de ma naissance! Ils ne m'aiment pas,
eux! On verra les mondes se detruire, et le granit glisser, comme un
cormoran, sur la surface des flots, avant que je touche la main infame
d'un etre humain. Arriere ... arriere, cette main!... Jeune fille, tu
n'es pas un ange, et tu deviendras, en somme, comme les autres femmes.
Non, non, je t'en supplie; ne reparais plus devant mes sourcils fronces
et louches. Dans un moment d'egarement, je pourrais te prendre les bras,
les tordre comme un linge lave dont on exprime l'eau, ou les casser avec
fracas, comme deux branches seches, et te les faire ensuite manger, en
employant la force. Je pourrais, en prenant ta tete entre mes mains,
d'un air caressant et doux, enfoncer mes doigts avides dans les lobes
de ton cerveau innocent, pour en extraire, le sourire aux levres, une
graisse efficace qui lave mes yeux, endoloris par l'insomnie eternelle
de la vie. Je pourrais, cousant tes paupieres avec une aiguille, te
priver du spectacle de l'univers, et te mettre dans l'impossibilite
de trouver ton chemin; ce n'est pas moi qui te servirai de guide. Je
pourrais, soulevant ton corps vierge avec un bras de fer, te saisir par
les jambes, te faire rouler autour de moi, comme une fronde, concentrer
mes forces en decrivant la derniere circonference, et te lancer contre
la muraille. Chaque goutte de sang rejaillira sur une poitrine humaine,
pour effrayer les hommes, et mettre devant eux l'exemple de ma
mechancete! Ils s'arracheront sans treve des lambeaux et des lambeaux de
chair; mais, la goutte de sang reste ineffacable, a la meme place, et
brillera comme un diamant. Sois tranquille, je donnerai a une
demi-douzaine de domestiques l'ordre de garder les restes veneres de ton
corps, et de les preserver de la faim des chiens voraces. Sans doute, le
corps est reste plaque sur la muraille, comme une poire mure, et n'est
pas tombe a terre; mais, les chiens savent accomplir des bonds eleves,
si l'on n'y prend garde.
* * * * *
Cet enfant, qui est assis sur un banc du jardin des Tuileries, comme il
est gentil! Ses yeux hardis dardent quelque objet invisible, au loin,
dans l'espace. Il ne doit pas avoir plus de huit ans, et, cependant, il
ne s'amuse pas, comme il serait convenable. Tout au moins il devrait
rire et se promener avec quelque camarade, au lieu de rester seul; mais,
ce n'est pas son caractere.
C
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