onnes ailes d'ange. Elle s'avance
lentement, sur les eaux, passe sous les arches du pont de la Gare et du
pont d'Austerlitz, et continue son sillage silencieux, sur la Seine,
jusqu'au pont de l'Alma. Une fois en cet endroit, elle remonte avec
facilite le cours de la riviere, et revient au bout de quatre heures a
son point de depart. Ainsi de suite, pendant toute la nuit. _Ses lueurs,
blanches comme la lumiere electrique_, effacent les becs de gaz qui
longent les deux rives, et, entre lesquels, elle s'avance comme une
reine, solitaire, impenetrable, _avec un sourire inextinguible, sans que
son huile se repande avec amertume_. Au commencement, les bateaux lui
faisaient la chasse; mais, elle dejouait ces vains efforts, echappait
a toutes les poursuites, en plongeant, comme une coquette, et
reparaissait, plus loin, a une grande distance. Maintenant, les marins
superstitieux, lorsqu'ils la voient, rament vers une direction opposee,
et retiennent leurs chansons. Quand vous passez sur un pont, pendant la
nuit, faites bien attention: vous etes sur de voir briller la lampe, ici
ou la; mais, on dit qu'elle ne se montre pas a tout le monde. Quand il
passe sur les ponts un etre humain qui a quelque chose sur la conscience,
elle eteint subitement ses reflets, et le passant, epouvante, fouille en
vain, d'un regard desespere, la surface et le limon du fleuve. Il sait ce
que cela signifie. Il voudrait croire qu'il a vu la celeste lueur; mais,
il se dit que la lumiere venait du devant des bateaux ou de la reflexion
des becs de gaz; et il a raison ... Il sait que, cette disparition, c'est
lui qui en est la cause; et, plonge dans de tristes reflexions, il hate
le pas pour gagner sa demeure. Alors, la lampe au bec d'argent reparait
a la surface, et poursuit sa marche, a travers des arabesques elegantes
et capricieuses.
* * * * *
Ecoutez les pensees de mon enfance, quand je me reveillais, humains,
a la verge rouge: "Je viens de me reveiller; mais, ma pensee est encore
engourdie. Chaque matin, je ressens un poids dans la tete. Il est rare
que je trouve le repos dans la nuit; car, des reves affreux me
tourmentent, quand je parviens a m'endormir. Le jour, ma pensee se
fatigue dans des meditations bizarres, pendant que mes yeux errent au
hasard dans l'espace; et, la nuit, je ne peux pas dormir. Quand faut-il
alors que je dorme? Cependant la nature a besoin de reclamer ses droits.
Comme je la dedaigne, elle rend
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