es, plus d'une grande imagination
humaine vit son genie, epouvante, a la contemplation de vos figures
symboliques tracees sur le papier brulant, comme autant de signes
mysterieux, vivants d'une haleine latente, que ne comprend pas le
vulgaire profane et qui n'etaient que la revelation eclatante d'axiomes
et d'hieroglyphes eternels, qui ont existe avant l'univers et qui se
maintiendront apres lui. Elle se demande, penchee vers le precipice d'un
point d'interrogation fatal, comment se fait-il que les mathematiques
contiennent tant d'imposante grandeur et tant de verite incontestable,
tandis que, si elle les compare a l'homme, elle ne trouve en ce dernier
que faux orgueil et mensonge. Alors, cet esprit superieur, attriste,
auquel la familiarite noble de vos conseils fait sentir davantage la
petitesse de l'humanite et son incomparable folie, plonge sa tete,
blanchie, sur une main decharnee et reste absorbe dans des meditations
surnaturelles. Il incline ses genoux devant vous, et sa veneration rend
hommage a votre visage divin, comme a la propre image du Tout-Puissant.
Pendant mon enfance, vous m'apparutes, une nuit de mai, aux rayons de la
lune, sur une prairie verdoyante, aux bords d'un ruisseau limpide, tout
les trois egales en grace et en pudeur, toutes les trois pleines de
majeste comme des reines. Vous fites quelques pas vers moi, avec votre
longue robe, flottante comme une vapeur, et vous m'attirates vers vos
freres mamelles, comme un fils beni. Alors, j'accourus avec
empressement, mes mains crispees sur votre blanche gorge. Je me suis
nourri, avec reconnaissance, de votre manne feconde, et j'ai senti que
l'humanite grandissait en moi et devenait meilleure. Depuis ce temps, o
deesses rivales, je ne vous ai pas abandonnees. Depuis ce temps, que de
projets energiques, que de sympathies, que je croyais avoir gravees sur
les pages de mon coeur, comme sur du marbre, n'ont-elles pas efface
lentement, de ma raison desabusee, leurs lignes configuratives, comme
l'aube naissante efface les ombres de la nuit! Depuis ce temps, j'ai vu
la mort, dans l'intention, visible a l'oeil nu, de peupler les tombeaux,
ravager les champs de bataille, engraisses par le sang humain et faire
pousser des fleurs matinales par-dessus les funebres ossements. Depuis
ce temps, j'ai assiste aux revolutions de notre globe; les tremblements
de terre, les volcans, avec leur lave embrasee, le simoun du desert
et les naufrages de la tempete ont eu ma presence
|