bonte qui produit de ces effets-la: "Desmarets
avait raison contre Boileau[8], mais Boileau avait pour lui d'avoir
amuse. Les raisons de Desmarets avaient beau etre solides; la saison ne
leur etait pas favorable. C'est a quoi un auteur ne doit pas moindre
garde qu'un jardinier." Voila sa maniere. Elle est bien aimable.
Voyez-vous le geste arrondi et paternel et le demi-sourire dans une
demi-moue?--De meme: "Nous regardons la stupidite comme un grand
malheur. Les peres qui ont les yeux assez bons pour s'apercevoir de la
betise de leurs fils s'affligent extremement: ils leur voudraient voir
un grand genie. C'est ignorer ce qu'on souhaite. Il eut cent fois mieux
valu a Arminins d'etre un hebete que d'avoir tant d'esprit; car
la gloire de donner son nom a une secte est un bien chimerique en
comparaison des maux reels qui abregerent ses jours, et qu'il n'aurait
point sentis s'il eut ete un theologien a la douzaine, un de ces hommes
dont on fait cette prediction qu'ils ne feront point d'heresie." Ce
ton de plaisanterie attenuee, adoucie et fourree d'hermine, est
admirable.--Voyez encore cette remarque pleine de gravite, et le beau
serieux avec lequel elle est faite: "La discipline du celibat parait
incommode a une infinite de gens: le mariage est pour eux celui de tous
les sacrements dont la participation parait la plus chere et precieuse;
et qui voudrait faire sur ce sujet un livre semblable a celui de la
_Frequente communion_ se rendrait aussi odieux que M. Arnauld le devint
quand il publia, sur une autre matiere, un ouvrage qui a fait beaucoup
de bruit."--Quelquefois la plaisanterie de Bayle est plus lourde;
quelquefois, tres rarement, elle devient plus mechante.
[Note 8: J'abrege le texte.]
Le scepticisme est desenchantement, et le desenchantement, de quelque
bonte qu'il s'accompagne, ne peut pas aller toujours sans amertume.
M. Renan a une page, une seule, qui est du Swift. Bayle a la sienne,
peut-etre en a-t-il deux; mais je dois exagerer: "Les disputes, les
confusions excitees par des esprits ambitieux, hardis, temeraires, ne
sont jamais un mal tout pur... Il en resulte des utilites par rapport
aux sciences et a la culture de l'esprit. Il n'est pas jusqu'aux guerres
civiles dont on n'ait pu quelquefois affirmer cela. Un fort honnete
homme l'a fait a l'egard de celles qui desolerent la France au XVIe
siecle. Il pretend qu'elles raffinerent le genie a quelques personnes,
qu'elles epurerent le jugement a quelques autre
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