personnels se marie, il faut, n'est-ce pas, que cette jeune fille
travaille elle-meme habilement a ce mariage, qu'elle trouve elle-meme
son mari, et qu'avec plus ou moins d'adresse, de diplomatie, de rouerie,
de coquetterie, de perseverance, elle oblige elle-meme ce mari a
l'epouser. C'est au moins ainsi que se sont accomplis les beaux mariages
qui ont servi d'exemples a mon oncle, et lui ont mis en tete l'idee de
me donner pour mari un prince ou un empereur. Il avait eu d'illustres
exemples sous les yeux et il avait cru que je pourrais les suivre.
Par malheur pour le succes de son plan, je n'ai pas voulu, dans cette
comedie du mariage, accepter mon role tel qu'il me l'avait dessine. Il
etait tres important, ce role, tres brillant et assurement interessant a
jouer; je l'ai transforme en un role muet.
Elle s'arreta et, le regardant:
--Est-ce vrai? demanda-t-elle.
--Tres vrai.
--Mais ce role, je n'ai pu l'accepter que par une sorte d'obeissance,
sans reflexion pour ainsi dire, sans avoir conscience de ce que je
faisais. Mon oncle me demandait de le remplir, je le remplissais en
l'appropriant a ma nature; j'obeissais a son ordre, et par cette
soumission il me semblait que je m'acquittais de la reconnaissance que
je lui devais. Il faut remarquer, si vous ne l'avez deja fait, que je ne
suis precoce en rien: mon esprit, mon intelligence, ne se sont ouverts
que tardivement, peu a peu, si tant est qu'ils se soient ouverts. Je
suis donc restee assez longtemps sans comprendre ce role, et surtout
sans voir le resultat auquel j'arriverais, si je reussissais dans son
denoument: c'est-a-dire a un mariage peut-etre riche ou puissant, mais a
coup sur malheureux; car, a vos yeux, n'est-ce pas, comme aux miens, un
mariage sans amour ne peut etre que malheureux?
--Assurement.
--Je comptais sur votre reponse. Quand j'ai compris ou je marchais,
ou plutot quand je l'ai senti, car je l'ai senti avant de le
comprendre,--disant cela, elle posa la main sur son coeur,--j'ai resolu
de ne pas aller plus loin et de m'arreter. Jamais position n'a ete plus
delicate que la mienne: je devais beaucoup a mon oncle, et, d'un autre
cote, je me devais a moi-meme de ne pas poursuivre des projets de
mariage qui ne pouvaient faire que mon malheur, ainsi que celui du mari
que j'epouserais. Comment sortir de cette difficulte? J'y reflechis
longtemps. Mais, si difficile que soit une position, on trouve toujours
moyen d'en sortir lorsqu'on le veut fer
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