fort de son avis. C'etaient la, en effet, les premieres ruines
qui m'avaient emu reellement. A des vestiges illustres, a des souvenirs
historiques, il faut un cadre austere, des montagnes, du ciel, de la
solitude surtout. Ce berger est erudit; c'est a l'occasion, une espece
de cicerone; mais il est discret, sobre de paroles, et bienveillant sans
familiarite importune et sans mendicite. Il passe sa vie a gratter la
terre, et il a chez lui, dans une cabane qu'il me montra au fond du
vallon, un petit musee d'antiquites ramassees a Tusculum. Je montai avec
lui sur la roche la plus elevee, et il me decrivit la vaste etendue
deployee autour de nous comme une carte geographique. Grace a lui, je
sais maintenant mon Latium sur le bout du doigt, et je pourrai aller
partout sans guide. Rien n'est plus facile, aussitot que l'on connait
les principales montagnes par leur nom et par leur forme.
Je me suis donc promene avec les yeux et j'ai parcouru, en desir et en
esperance, des sites ravissants ou severes. J'ai oublie, dans ce voyage,
mes preoccupations de ce matin. La locomotion, l'amour des decouvertes,
ce je ne sais quoi d'enivrant dans la solitude inexploree, ce sont la
d'exquises jouissances, et je me demande quelle societe de femme m'en
donnerait de plus vraies.
Oui! voila ce qu'on se dit tant que la femme est loin!
--Ou est la maison ou Ciceron composa ses _Tusculanes_? demandai-je au
patre, pour voir jusqu'ou allait son erudition.
--_Chi lo sa?_ repondit-il en me montrant, non loin du cirque ou j'avais
fait ma premiere station, un edifice assez bien conserve. Les uns disent
que c'est ici; d'autres disent que c'est le jardin ou est maintenant
la Ruffinella. Toutes les fois qu'on deterre une nouvelle ruine, les
savants decident que c'est la chose tant cherchee, et que toutes les
anciennes ne valent plus rien. Mais qu'est-ce que cela vous fait? Il n'y
a pas, sur toute cette montagne, un endroit ou Annibal, Pompee, Camille,
Pline, Ciceron et cent autres personnages puissants, rois, empereurs,
generaux, consuls, savants on papes, n'aient foule la bruyere ou voila
vos pieds, et respire l'air que vous respirez maintenant.
--Je ne crois pas, repondis-je; la bruyere est jeune, l'air est vieux
et corrompu. Il etait pur et salubre quand Rome etait puissante.
Croyez-vous qu'un Etat pareil eut pu avoir son siege dans ce marecage
empeste qui est la-bas derriere nous?
--Eh bien, du moins, les gens celebres que vous savez ont reg
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