aient bien savoir, comme tout le
monde, a quoi s'en tenir sur le compte d'un ivrogne comme lui, le
protegent singulierement et ont commence une espece d'enquete. On a ete
aujourd'hui a Piccolomini pour t'interroger et pour interroger ma tante
Mariuccia, qui a tout nie, la chere brave femme, et qui est venue tout
de suite me trouver. "Si tu sais ou il est, m'a-t-elle dit, fais-le vite
avertir de ne pas rentrer ce soir a la maison; car mon frere le capucin,
qui est toujours bien informe, m'a dit en confidence qu'il allait etre
arrete et emprisonne." Or, vois-tu, dans notre pays, il n'y a pas de
petites affaires des que le saint-office s'en mele, si l'on n'a pas la
protection particuliere de quelque personnage d'Eglise. Avec cela, le
malheur veut que tu ne sois pas tres-pieux. Interroge, tu te defendras
de maniere a te perdre...
--Je ne me defendrai pas du tout; car rien au monde ne me fera dire dans
quelle intention j'ai vole tes jonquilles. Je me bornerai a dire qu'il
n'entre pas dans mes idees de profaner une image, fut-elle paienne, et
je reclamerai la protection de mon gouvernement.
--Quand tu seras dans un cachot sans communiquer avec personne pendant
plusieurs semaines, plusieurs mois peut-etre, ton gouvernement aura
l'oreille fine s'il entend tes plaintes. Si tu dis que tu respectes les
images paiennes a l'egal de celles de la vraie religion, on te fera tout
le mal possible, avec ou sans jugement, et, si tu caches la circonstance
qui te rend innocent, le vol des fleurs de ta maitresse, ta maitresse
ira elle-meme raconter la verite et te reclamer comme elle pourra, au
risque du scandale. Ne t'imagine pas que je te laisserai mettre dans ces
affreuses prisons d'ou l'on ne sait jamais quand et comment on sortira.
La seule idee de t'y voir conduire me rend furieuse, et je serais prete
a m'en aller criant par les rues: "Rendez-moi celui que j'aime et a qui
j'appartiens sans condition!" Tout le monde dirait: "Elle est folle et
mon frere me tuerait. Peu importe! Voila ce qui arrivera si tu t'exposes
a etre pris.
Je combattis en vain les apprehensions probablement chimeriques et les
resolutions extremes de cette chere fille. Elle etait si desolee et si
agitee, que je dus ceder a ses prieres et lui promettre de passer la
nuit a Mondragone.
--Puisque c'est un si grand tourment pour toi, lui dis-je, de me voir
retourner a Piccolomini, je me soumets, dusse-je perir ici de froid et
de faim.
--Il n'en sera pas ainsi, m
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