e dit-elle: j'ai songe a tout. Puisque tu
promets de m'obeir, viens avec moi.
Elle me conduisit, par un dedale d'escaliers et de couloirs dont elle
avait les clefs, au casino dont je vous parlais hier, et me fit entrer
dans un petit appartement, peint d'une vieille fresque assez galante et
meuble d'un grabat, de quelques chaises boiteuses et de deux ou trois
cruches egueulees.
--Ceci est miserable, me dit-elle; c'est la que couchait le gardien,
quand il y avait des ouvriers travaillant aux reparations; mais, avec de
l'eau saine et de la paille fraiche, on est bien partout, parce qu'on
peut y etre proprement. Prends patience ici pendant deux heures, et, des
qu'il fera nuit, je t'apporterai de quoi te rechauffer et de quoi diner.
--Tu reviendras donc ce soir?...
--Certainement, et je n'aurais pas pu retourner a Piccolomini, qui doit
etre surveille par mon frere en personne.
--Oh! alors! que ne le disais-tu tout de suite! Tache que mon danger
et ma captivite ne finissent pas de sitot; car voila mon reve realise!
J'aime tant la securite et le mystere de ces ruines, que je me creusais
la tete pour trouver le moyen d'y transporter nos rendez-vous. Tu vois
que le ciel ne nous est pas si contraire, puisqu'il fait de ma fantaisie
une sorte de necessite.
--Une necessite tres-reelle! Mais voyons! il y a de la poussiere ici...
je sais ou trouver un balai. Promene-toi sur la terrasse; personne
ne peut te voir d'en bas si tu ne penches; pas la tete en dehors des
balustrades. J'irai laver et remplir ces cruches dans la belle eau de
la fontaine qui est au bout du parterre. Quant a la paille, tu viendras
tout a l'heure la chercher avec moi dans un cellier ou je sais que le
fermier met le trop-plein de ses greniers.
Tout cela etait tres-bien combine, sauf l'article du balayage et des
cruches portees a la fontaine, et il me fallut entrer en revolte pour
que ma maitresse renoncat a etre ma servante. Elle l'avait ete a Rome,
a Piccolomini dans les premiers jours, et c'etait son plaisir,
disait-elle, de l'etre toute sa vie; mais voila ce qu'il m'est
impossible d'admettre. La jeune fille chaste qui s'est donnee a moi doit
me commander et non m'obeir. Je comprends de reste, aujourd'hui, que
l'on aime et que l'on epouse sa menagere, mais a la condition que, si
elle est digne de cette union, on la traitera desormais comme son egale.
--Ah! je le vois bien, dit-elle en me laissant arracher le balai de ses
jolies petites mains brun
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