aller.
Quoique ma chere maitresse fut tout essoufflee de cette expedition, je
me rejouis de la bonne idee qu'elle avait eue.
--Il faut maintenant, lui dis-je, puisque tu es si ingenieuse et si
active, que tu arranges toutes choses pour notre fuite. Je t'enleve, a
moins que tu ne me dises que mon affaire avec le Saint-Office n'aura pas
de suites et que je peux t'epouser dans ce pays-ci, sans trop de retard.
--Tu songes a l'impossible, repondit-elle en secouant la tete. Ton
affaire prend une mauvaise tournure. Mon frere, qui, par bonheur, ne te
soupconne pas du tout d'etre mon amant, a concu pourtant contre toi une
haine effroyable, a cause des coups que lu lui as donnes. Il pretend
maintenant qu'en le frappant, tu l'as traite d'espion et que tu as
injurie et maudit, en termes revolutionnaires, le gouvernement de
l'Eglise. Il dit t'avoir reconnu, et il produit un temoin qui serait
accouru trop tard pour le secourir, mais qui aurait entendu tes paroles
et vu ta figure. Ce temoin n'a jamais ete vu a Frascati, et pourtant la
police parait le connaitre et a pris acte de sa deposition. On a ete
encore hier au soir a Piccolomini, probablement pour t'arreter, et,
ne te trouvant pas, on a fait ouvrir ta chambre pour s'emparer de tes
papiers; car on assure maintenant que tu es affilie a l'eternelle
conspiration que l'on decouvre toutes les semaines contre le pouvoir
temporel du saint-pere. Heureusement, ma tante avait prevu le cas: elle
avait retire de ta chambre tout tes effets, et jusqu'au moindre bout de
papier chiffonne. Tout cela etait bien cache dans la maison. Elle a dit
que tu etais parti la veille pour Tivoli, a pied, avec ton attirail
de peintre, et que tes autres effets etaient restes a Rome le jour de
Paques. Aussitot qu'elle s'est vue debarrassee de ces inquisiteurs, elle
est partie elle-meme pour Rome, ou elle va consulter lord B*** sur ce
qu'il y a a faire pour te tirer de la. Il faut donc que tu attendes
patiemment ici le resultat de ses demarches; car de songer a voyager, de
jour ou de nuit, sans tes passe-ports, qui sont a la police francaise
a Rome, c'est impossible. Tu serais arrete a la premiere ville, et,
vouloir passer la frontiere par les sentiers, comme font les brigands
et les deserteurs, en supposant que je pusse te servir de guide, ce qui
n'est pas, c'est mille fois plus penible et plus dangereux que de rester
ici, ou, lors meme qu'on te soupconnerait d'y etre, on ne se deciderait
pas aisement a ve
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