dre son
theme dans le ton ou il vient d'etre porte par l'augmentation du vent;
alors, pour peu que la bouffee continue, les trois girouettes chantent
une sorte de canon a trois voix qui est fort etrange et fort penetrant,
jusqu'a ce que le souffle qui les pousse tombe peu a peu et les ramene,
par des intervalles inappreciables a nos conventions musicales,
c'est-a-dire plus ou moins faux, a leur justesse premiere.
Ces girouettes pleurardes et radoteuses, avec leurs notes d'une tenuite
impossible, sont comme les tenors aigus qui dominent l'ensemble. Je ne
sais quel esprit de l'air les met d'accord avec le son des cloches des
Camaldules; mais il arrive, a chaque instant, que ces cloches leur font
une tres-belle harmonie. J'entends aussi, par moments, les phrases
entrecoupees des orgues de ce couvent, ou de l'eglise de Monte-Porzio,
village que j'apercois sur ma droite, au-dela des Camaldules. Est-ce de
l'une ou de l'autre eglise que partaient, cette nuit, les sons que j'ai
cru etre ceux d'un piano? En ce moment, rien n'y ressemble, rien ne
m'explique ce phenomene d'acoustique.
D'autres chants se melent encore a ceux des girouettes: ce sont les
refrains des paysans epars dans la campagne. Ils chantent fort mal; ils
crient du nez, et je n'en entends pas un sur cent qui me paraisse tant
soit peu bien organise pour la musique. Ils semblent avoir beaucoup
moins conscience de ce qu'ils chantent que les girouettes de Mondragone.
Neanmoins, je saisis parfois des phrases d'un caractere sauvage qui ne
deparent pas le sentiment repandu dans l'ensemble.
Les basses continues sont dans le bruissement lourd des pins demesures
qui se dressent du cote de la villa Taverna comme des parasols ouverts
au-dessus du _stradone_ de chenes, et dans une cascade que je ne puis
apercevoir, mais que je me rappelle avoir remarquee le long de l'enorme
massif de maconnerie qui soutient le _terrazzone_. Ces eaux perdues des
ruines sont tres mysterieuses. Les fontaines d'ou elles jaillissaient
etant brisees et taries, elles se sont fraye des passages inconnus dans
les fondations et s'echappent par les fissures qu'elles rencontrent, au
milieu de rideaux de plantes parietaires qui font des cheveux et de la
barbe aux grands mascarons beants au fond des niches.
Et puis, il y a les cris des oiseaux, bien que les oiseaux soient
beaucoup plus rares ici que dans nos climats. Ce sont les vautours et
les aigles qui dominent. Le menu peuple des petits chanteurs
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