antuomo_ d'etre un
faux ivrogne, ou de s'adonner a la boisson dans ses moments perdus. Je
pense que le fond de son existence est le brigandage ou l'espionnage;
peut-etre l'un et l'autre, car il parait qu'autour de Rome ces deux
professions ne sont pas incompatibles.
Ce qui m'importait plus que tout ceci, c'etait de savoir si la Daniella
se croirait suffisamment relevee de son voeu pour reparaitre a
Piccolomini, et je l'attendais avec une vive impatience. Chaque fois que
sonnait la cloche de la grille, je courais a ma croisee; mais c'etait
une suite de visites de commeres ou de voisines, qui venaient
s'entretenir avec la Mariuccia des affaires de la maison et de la
propriete Piccolomini, de la taille des oliviers ou de la vigne, de la
lessive, de l'emmagasinement des pois, du sermon de fra Sinforiano,
et, par occasion, de la profanation de la madone. J'entendais les
conversations etablies sur le perron, et il me sembla que plusieurs de
ces personnages etaient plus curieux que de raison. La Mariuccia m'avait
dit: "Dans notre pays, on ne sait jamais qui est espion ou qui ne l'est
pas." J'admirai l'adresse et le sang-froid des reponses de la bonne
fille, et j'entendis meme qu'elle me faisait passer pour malade depuis
la veille.
--Le pauvre enfant, disait-elle, a eu la fievre cette nuit, et je l'ai
veille, sans le quitter, jusqu'au jour.
Mon alibi ainsi constate, les questionneurs se retiraient plus ou moins
persuades.
Enfin, la Mariuccia vint m'annoncer qu'elle allait visiter les chapelles
du saint-sepulcre, et qu'elle me priait de n'ouvrir a personne, pas meme
a sa niece, si je la voyais paraitre a la grille.
--Oh! pour cela, je ne vous le promets pas du tout, lui dis-je.
--Il faut me le promettre, reprit-elle. La Daniella a une clef, et,
si elle veut venir, elle viendra sans que vous tiriez la corde de ma
fenetre. Dans votre impatience, il ne faut pas vous montrer a ceux qui
pourraient passer devant la grille dans ce moment-la.
Quand la Mariuccia fut sortie, je descendis au jardin, malgre la pluie,
pour examiner le local sous un rapport que je n'avais pas encore songe a
constater, a savoir si on pouvait y entretenir une intrigue avec mystere
et securite. Je vis que cela etait impossible, a moins que les gens de
la maison, c'est-a-dire la Mariuccia, la vieille Rosa, et les quatre
ouvriers employes au jardin et aux terres adjacentes fussent dans la
confidence; pourvu que le jardin eut une cloture reelle au de
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