nquantaine d'annees, et elle revet aujourd'hui un caractere de
desolation riante, tout a fait particulier a ces ruines prematurees.
C'est durant nos guerres d'Italie, au commencement du siecle, que les
Autrichiens l'ont ravagee, bombardee et pillee. Il en est resulte ce qui
arrive toujours en ce pays-ci apres une secousse politique: le degout et
l'abandon. Pourtant la majeure partie du corps de logis principal, la
_parte media_, est assez saine pour qu'en supprimant les dependances
inutiles, on puisse encore trouver de quoi restaurer une delicieuse
_villegiature_. C'est le parti que voulait prendre et que prendra
peut-etre la princesse proprietaire actuelle. Des reparations avaient
meme ete entreprises sur un pied de luxe qui peint tres-bien l'esprit
local. On a commence par l'inutile, comme toujours. Sans se preoccuper
de la couverture a jour, ni des breches faites par le canon aux etages
superieurs, on a fait des parquets, des peintures et des volets
richement montes aux premiers etages. Ces volets, par parenthese, m'ont
frappe comme une chose charmante que je n'ai encore vue nulle part. Ils
sont d'un bois resineux veine de rouge vif qui laisse passer l'eclat du
soleil au travers. Cela remplit l'appartement d'un ton rose tres-gai.
J'ai pu en juger cette partie du local n'etant pas si bien fermee, qu'en
cherchant un peu je n'aie trouve moyen d'y penetrer.
Au-dessus, s'etendent des salles magnifiques encombrees de poutres et
de decombres, et, un detail bien caracteristique, c'est une sorte de
boudoir ou chapelle dont le plafond est fraichement peint, et assez
joliment peint par un artiste indigene, dans le gout traditionnel du
pays. Ce sont des personnages tout roses nageant dans un ciel bleu
turquin, d'un propre et d'un gracieux a donner des idees de bal; mais,
dans le mur lateral, une grande fente que l'on n'a pas encore songe a
fermer, bien qu'elle menace d'emporter un pan de l'edifice, sert de
passage a une famille d'oiseaux de proie qui ont trouve la, pour
perchoir, un bout de solive sortant a l'interieur. Ils s'y etablissent
paisiblement chaque nuit, ainsi que l'atteste un monceau de traces
toutes recentes. Les amours du vautour ou de l'orfraie sont donc encore
abrites par un ciel de cherubins ou de cupidons enguirlandes tout
flambant neufs.
C'est que les embellissements, precurseurs accoutumes des reparations
urgentes, sont restes en route. A la derniere revolution, ce palais
a ete, encore une fois, occupe mil
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