pas la connaitre. La nuit, elle se glisse
furtivement dans les sentiers couverts et vient me trouver a
Piccolomini; mais il lui faut traverser Falconieri, ou elle risque de
rencontrer des gardiens mal disposes, ou bien descendre de Taverna a
Frascati, et se faire voir aux gens du faubourg. En outre, nous ne
pourrons plus tromper longtemps la Mariuccia. C'est par miracle que,
depuis deux nuits, nous echappons a sa clairvoyance, et nous ne savons
pas encore si, au point ou nous en sommes, elle nous sera favorable.
Ici, dans cette residence deserte, entouree de grandes constructions
dont le faite s'ecroule, mais dont toutes les issues exterieures sont
bien closes, je pourrais voir ma chere compagne a toute heure si j'avais
un logement quelconque, et je ne suis mis aujourd'hui a tout explorer
dans le plus grand detail. Il me semble que quelque bonne idee va me
venir en TOUS faisant part de mes decouvertes.
Imaginez-vous un chateau qui a trois cent soixante et quatorze
fenetres[4], un chateau complique comme ceux d'Anne Radcliffe, un monde
d'enigmes a debrouiller, un enchainement de surprises, un reve de
Piranese; mais d'abord il faut que je vous fasse succinctement
l'historique de la villa Mondragone, pour que vous compreniez quelque
chose a ce melange d'abandon miserable et de luxe princier ou je cherche
un gite.
[Note 4: Nombre qui, dans l'architecture de cette epoque, represente
une etendue immense de constructions.]
Ce palais fut bati par Gregoire XIII, au XVIe siecle. On y entre par
un vaste corps de logis, sorte de caserne destinee a la suite armee
du pontifs. Lorsque, plus tard, le pape Paul V en fit une simple
_villegiature_, il relia un des cotes de ce corps de garde au palais
par une longue galerie de plain-pied avec la cour interieure, dont les
arcades elegantes s'ouvrent, au couchant, sur un escarpement assez
considerable, et laissent aujourd'hui passer le vent et la pluie. Les
voutes suintent, la fresque est devenue une croute de stalactites
bigarrees; des ronces et des orties poussent dans le pave disjoint;
les deux etages superposes au-dessus de cette galerie s'ecroulent
tranquillement. Il n'y a plus de toiture; les entablements du dernier
etage se penchent et s'affaissent aux risques et perils des passants,
quand passant il y a, autour de cette thebaide.
Cependant, la villa Mondragone, restee dans la famille Borghese, a
laquelle appartenait Paul V, etait encore une demeure splendide, il y
a une ci
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