errantes se perdent au hasard dans les
fondations; le reste s'echappe en dehors, dans une grande niche situee
au bas du talus monumental de la terrasse.
Mais l'ornement le plus bizarre de cette terrasse, que, pour me
conformer a l'usage de la localite, j'appellerai le _terrazzone_ (la
grande terrasse), consiste en quatre colonnes gigantesques dejetees par
les boulets et surmontees de girouettes et de croix papales brisees ou
tordues, ces colonnes qui sont les tuyaux des cheminees de cuisines
pantagruelesques situees sous la terrasse meme, et probablement de
plain-pied avec le bas de l'escalier du Pianto, ont la forme de
telescopes demesures et portent, en guise de couronnement, des masques
grimacants qui vomissaient la fumee des festins, bien loin au-dessus des
cimes des arbres du parc.
Tout cela est d'un gout par trop italien de la decadence; mais c'est
d'un fastueux etrange, et la situation est splendide. C'est la meme vue
decouverte et incommensurable que j'ai de ma fenetre a Piccolomini; mais
l'oeil va plus loin encore, parce qu'on est a un mille plus haut,
et c'est plus beau, parce qu'au lieu des masures de Frascati pour
repoussoir de premier plan, on a une riche etendue de jardins plantureux
d'un grand style. L'allee de cypres, en pente rapide, qui, du bas du
_terrazzone_, traverse tout ce domaine, parallelement au _stadone_
de chenes verts en berceaux qui descend a la villa Taverna, est
veritablement monumentale. Ces arbres ont quelque chose comme
quatre-vingts ou cent pieds de haut. Leur tige est un faisceau de
colonnettes greles autour d'un pivot central. C'est bizarre, c'est
humide, noir et sepulcral, au milieu du paysage, je ne dirai pas le plus
riant, car le steppe de Rome n'est jamais gai, mais le plus etincelant
qu'il soit possible d'imaginer.
Mais le Pianto, avec ses festons de ronces et de vignes sauvages qui
pendent des crevasses ou qui se trainent sur les debris de sculptures
entasses en desordre, est mon petit coin de predilection. Les etroites
dimensions du tableau assez theatral qu'il presente donnent le sentiment
d'une securite profonde. Il me semble, seul comme je suis, et enterre
vivant dais ces massifs d'architecture ou ne penetre pas le moindre
bruit du dehors, que l'on pourrait vivre et mourir la, de bonheur ou de
desespoir, sans que personne s'en inquietat. Certes, a l'heure qu'il
est, quelque isole que vous me supposiez, vous ne pouvez vous
representer une cachette aussi secrete et un
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