itairement, et les enormes tas de
litiere qui joncherent les terrasses n'ont pas encore disparu. Etait-ce
un poste de cavalerie francaise ou italienne? Les nombreuses sentences,
d'un patriotisme ardent et naif, charbonnee sur les murs, me font
pencher pour la derniere hypothese.
Va-t-on, comme on le dit aux environs, reprendre les travaux abandonnes?
La, pour moi, est la question pressante. Si on ne les reprenait pas, la
solitude durerait ici, et j'y pourrais peut-etre louer un coin ou je
vivrais inapercu. Il y a une portion tres-bizarre qui semble la plus
moderne et la moins endommagee, dans laquelle il m'a ete impossible de
me glisser. C'est comme une petite villa mysterieuse perchee sur un des
cotes de la villa principale. C'est probablement le logement de caprice
personnel que, dans ces palais italiens, qu'il soit en haut ou en bas,
cache ou apparent, on appelle le _casino_. Ici c'est un assemblage
de petits pavillons, dont les ouvertures annoncent des appartements
lilliputiens. C'est assez laid, mais curieusement agence autour d'une
toute petite terrasse, d'ou la vue domine une etendue prodigieuse a
travers des balustres massifs dont la destination semble etre de cacher
ce sanctuaire aux regards du dehors. Etait-ce une fantaisie de retraite
cenobitique? Un campanile a jour, plante sur cette terrasse, semble
avoir ete une chapelle, ou une sorte d'oratoire aerien, propre a
stimuler le bien-etre moral par le bien-etre physique du beau site et
du vent frais. Mais on peut, tout aussi bien, se representer, dans ce
casino, de mysterieuses amours, retranchees en toute securite contre la
curiosite d'une suite nombreuse ou de visiteurs inattendus.
Quoi qu'il en soit, cela fait une demeure reservee que l'on n'apercoit
de nulle part, si ce n'est par son entree principale qui donne sur
l'ancien parterre clos de murs festonnes et ornes de boules. Cette
entree est masquee par un beau portique attribue au Vignole, ou l'on
peut se promener dans un isolement complet.
J'aime beaucoup cet abri elegant avec ses arcades ornees de dragons,
ses degres de marbre brises, et son fond perce de portes et de fenetres
mysterieuses barricadees solidement. C'est au travers des fentes de ces
huis jaloux, qui semblent vouloir garder les secrets du passe, que je
vois la petite terrasse, les petits pavillons et le clocheton arrondi
du casino. De superbes graminees poussent entre les dalles, et des
moineaux, aussi sauvages que ceux de nos villes s
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