, pour mettre ce fleuve entre lui et l'armee francaise. Il alla camper
a Valeggio, au confluent du Po et du Tesin, vers le sommet de l'angle
forme par ces deux fleuves. Il y eleva quelques retranchemens pour
consolider sa position, et s'opposer au passage de l'armee francaise.
Bonaparte, en quittant les etats du roi de Piemont, et en entrant dans
les etats du duc de Parme, recut des envoyes de ce prince, qui venaient
interceder la clemence du vainqueur. Le duc de Parme etait parent de
l'Espagne; il fallait donc avoir a son egard des menagemens qui, du
reste, entraient dans les projets du general. Mais on pouvait exercer
sur lui quelques-uns des droits de la guerre. Bonaparte recut ses
envoyes au passage de la Trebbia; il affecta quelque courroux de ce que
le duc de Parme n'avait pas saisi, pour faire sa paix, le moment ou
l'Espagne, sa parente, traitait avec la republique francaise. Ensuite il
accorda un armistice, en exigeant un tribut de deux millions en argent,
dont la caisse de l'armee avait un grand besoin; seize cents chevaux
necessaires a l'artillerie et aux bagages, une grande quantite de ble
et d'avoine; la faculte de traverser le duche, et l'etablissement
d'hopitaux pour ses malades, aux frais du prince. Le general ne se borna
pas la: il aimait et sentait les arts comme un Italien; il savait tout
ce qu'ils ajoutent a la splendeur d'un empire, et l'effet moral qu'ils
produisent sur l'imagination des hommes: il exigea vingt tableaux au
choix des commissaires francais, pour etre transportes a Paris. Les
envoyes du duc, trop heureux de desarmer, a ce prix, le courroux du
general, consentirent a tout, et se haterent d'executer les conditions
de l'armistice. Cependant ils offraient un million pour sauver le
tableau de saint Jerome. Bonaparte dit a l'armee: "Ce million, nous
l'aurions bientot depense, et nous en trouverons bien d'autres a
conquerir. Un chef-d'oeuvre est eternel, il parera notre patrie." Le
million fut refuse.
Bonaparte, apres s'etre donne les avantages de la conquete sans ses
embarras, continua sa marche. La condition contenue dans l'armistice
de Cherasco, relativement au passage du Po a Valence, la direction des
principales colonnes francaises vers cette ville, tout faisait croire
que Bonaparte allait tenter le passage du fleuve dans ses environs.
Tandis que le gros de son armee etait deja reuni sur le point ou
Beaulieu s'attendait au passage, le 17 floreal (6 mai), il prend,
avec un corps de tro
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