a d'abord, de ces trois amis, retranche le plus noble, le plus
sur, le plus inseparable de l'homme de coeur. Personne n'a plus l'epee au
cote; mais, helas! peu de gens ont un cheval, et il y en a qui se vantent
de vivre sans maitresse.
Un jour que Frederic avait des dettes urgentes a payer, il s'etait vu
force de faire quelques demarches aupres de ses compagnons de plaisir,
qui n'avaient pu l'obliger. Il obtint enfin, sur son billet, trois mille
francs d'un banquier qui connaissait son pere. Lorsqu'il eut cette somme
dans sa poche, se sentant joyeux et tranquille apres beaucoup d'agitation,
il fit un tour de boulevard avant de rentrer chez lui. Comme il passait
au coin de la rue de la Paix pour s'en revenir dans les Tuileries, une
femme qui donnait le bras a un jeune homme se mit a rire en le voyant:
c'etait Bernerette. Il s'arreta et la suivit des yeux; de son cote, elle
tourna plusieurs fois la tete; il changea de route sans trop savoir
pourquoi et s'en fut au Cafe de Paris.
Il s'y etait promene une heure, et il montait pour aller diner, quand
Bernerette passa de nouveau. Elle etait seule; il l'aborda et lui demanda
si elle voulait venir diner avec lui. Elle accepta et prit son bras, mais
elle le pria de la mener chez un traiteur moins en evidence.
--Allons au cabaret, dit-elle gaiement; je n'aime pas a diner dans la
rue.
Ils monterent en fiacre, et, comme autrefois, ils s'etaient donne mille
baisers avant de se demander de leurs nouvelles.
Le tete a tete fut joyeux, et les tristes souvenirs en furent bannis.
Bernerette se plaignit cependant que Frederic ne fut pas venu la voir;
mais il se contenta de lui repondre qu'elle devait bien savoir pourquoi.
Elle lut aussitot dans les yeux de son amant, et comprit qu'il fallait se
taire. Assis pres d'un bon feu, comme au premier jour, ils ne songerent
qu'a jouir en liberte de l'heureuse rencontre qu'ils devaient au hasard.
Le vin de Champagne anima leur gaiete, et avec lui vinrent les tendres
propos qu'inspire cette liqueur de poete, dedaignee par les delicats.
Apres diner, ils allerent au spectacle. A onze heures, Frederic demanda
A Bernerette ou il fallait la reconduire; elle garda quelque temps le
silence, a demi honteuse et a demi craintive; puis, entourant de ses bras
le cou du jeune homme, elle lui dit timidement a l'oreille:
--Chez toi.
Il temoigna quelque etonnement de la trouver libre.
--Eh! quand je ne le serais pas, repondit-elle, ne crois-tu pas q
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