ue je
t'aime? Mais je le suis, ajouta-t-elle aussitot, voyant Frederic hesiter;
la personne qui m'accompagnait tantot t'a peut-etre donne a penser;
l'as-tu regardee?
--Non, je n'ai regarde que toi.
--C'est un excellent garcon; il est marchand de nouveautes et assez riche;
il veut m'epouser.
--T'epouser, dis-tu! Est-ce serieux?
--Tres serieux; je ne l'ai pas trompe, il sait l'histoire entiere de ma
vie; mais il est amoureux de moi. Il connait ma mere, et il a fait sa
demande il y a un mois. Ma mere ne voulait rien dire sur mon compte; elle
a pense me battre quand elle a appris que je lui avais tout declare. Il
veut que je tienne son comptoir: ce serait une assez jolie place, car il
gagne par an une quinzaine de mille francs; malheureusement cela ne se
peut pas.
--Pourquoi? Y a-t-il quelque obstacle?
--Je te dirai cela; commencons par aller chez toi.
--Non; parle-moi d'abord franchement.
--C'est que tu vas te moquer de moi. J'ai de l'estime et de l'amitie pour
lui, c'est le meilleur homme de la terre; mais il est trop gros.
--Trop gros? Quelle folie!
--Tu ne l'as pas vu: il est gros et petit, et tu as une si jolie taille!
--Et sa figure, comment est-elle?
--Pas trop mal; il a un merite, c'est d'avoir l'air bon et de l'etre. Je
lui suis plus reconnaissante que je ne puis le dire, et si j'avais voulu,
meme sans m'epouser, il m'aurait deja fait du bien. Pour rien au monde je
ne voudrais le chagriner, et si je pouvais lui rendre un service, je le
ferais de tout mon coeur.
--Epouse-le donc, s'il en est ainsi.
--Il est trop gros; c'est impossible. Allons chez toi, nous causerons.
Frederic se laissa entrainer, et lorsqu'il s'eveilla le lendemain, il
avait oublie ses ennuis passes et les beaux yeux de mademoiselle Darcy.
V
Bernerette le quitta apres dejeuner, et ne voulut pas qu'il la ramenat
chez elle. Il mit de cote l'argent qu'on lui avait prete, bien resolu a
payer ses dettes; mais il ne se pressa pas de les payer. Quelque temps
apres, il fut d'un souper chez Gerard; on ne se separa qu'au jour. Comme
il sortait, Gerard l'arreta.
--Que vas-tu faire? lui dit-il; il est trop tard pour dormir; allons
dejeuner a la campagne.
La partie fut arrangee; Gerard envoya reveiller sa maitresse, et lui fit
dire de se preparer.
--C'est dommage, dit-il a son ami, que tu n'aies pas aussi quelqu'un a
emmener; nous ferions partie carree, ce serait plus gai.
--Qu'a cela ne tienne, repondit
|