ait comme
s'il se fut agi d'elle-meme, et son active imagination y trouvait de quoi
s'exercer.--Est-ce donc aimer, disait-elle, que de chercher a passer le
temps? Si vous n'aimiez pas cette femme, qu'alliez-vous faire chez elle?
Si vous l'aimiez, pourquoi l'abandonnez-vous? Elle souffre, elle pleure
peut-etre; comment de miserables calculs d'argent peuvent-ils trouver
place dans un noble coeur? Etes-vous donc aussi froid, aussi esclave
de vos interets que mes parents l'ont ete naguere, lorsqu'ils ont fait
le malheur de ma vie? Est-ce la le role d'un jeune homme, et n'en
devriez-vous pas rougir? Mais non, vous ne savez pas vous-meme si vous
souffrez, ni ce que vous regrettez; la premiere venue vous consolerait;
votre esprit n'est que desoeuvre. Ah! ce n'est pas ainsi qu'on aime!
Je vous ai predit, a Besancon, que vous sauriez un jour ce que c'est
Que l'amour, mais si vous n'avez pas plus de courage, je vous predis
aujourd'hui que vous ne le saurez jamais.
Frederic revenait chez lui un soir, apres un entretien de ce genre.
Surpris par la pluie, il entra dans un cafe ou il but un verre de punch.
Lorsqu'un long ennui nous a serre le coeur, il suffit d'une legere
excitation pour le faire battre, et il semble alors qu'il y ait en nous un
vase trop plein qui deborde. Quand Frederic sortit du cafe, il doubla le
pas. Deux mois de solitude et de privations lui pesaient; il eprouvait un
besoin invincible de secouer le joug de sa raison et de respirer plus
a l'aise. Il prit, sans reflexion, le chemin de la maison de Bernerette;
la pluie avait cesse; il regarda, a la clarte de la lune, les fenetres de
son amie, la porte, la rue, qui lui etaient si familieres. Il posa en
tremblant sa main sur la sonnette, et, comme jadis, il se demanda s'il
allait trouver dans la chambrette le feu couvert de cendres et le souper
pret. Au moment de sonner, il hesita.
--Mais quel mal y aurait-il, se dit-il a lui-meme, quand je passerais la
une heure, et quand je demanderais a Bernerette un souvenir de l'ancien
amour? Quel danger puis-je courir? Ne serons-nous pas libres tous deux
demain? Puisque la necessite nous separe, pourquoi craindrais-je de la
revoir un instant?
Il etait minuit; il sonna doucement, et la porte s'ouvrit. Comme il
montait l'escalier, la portiere l'appela, et lui dit qu'il n'y avait
personne. C'etait la premiere fois qu'il lui arrivait de ne pas trouver
Bernerette chez elle. Il pensa qu'elle etait allee au spectacle et
Repondi
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