aucun message; elle
preparait sans doute en silence la vengeance qu'elle avait annoncee. Il
etait donc necessaire de frapper un coup decisif, sous peine d'augmenter
le mal. Elle se disposait a sortir quand le jeune homme arriva chez elle;
il l'arreta dans l'escalier, et la forcant a rentrer dans sa chambre:
--Malheureuse femme! s'ecria-t-il, qu'avez-vous fait? Vous avez detruit
toutes mes esperances, et votre vengeance est accomplie!
--Bon Dieu! que vous est-il arrive? demanda la Bianchina stupefaite.
--Vous le demandez! Ou est cette bourse que vous avez dit venir de vous?
Oserez-vous encore me soutenir ce mensonge?
--Qu'importe si j'ai menti ou non? je ne sais ce que cette bourse est
devenue.
--Tu vas mourir ou me la rendre, s'ecria Pippo en se jetant sur elle. Et,
sans respect pour une robe neuve dont la pauvre femme venait de se parer,
il ecarta violemment le voile qui couvrait sa poitrine et lui posa son
poignard sur le coeur.
La Bianchina se crut morte et commenca a appeler au secours; mais Pippo
lui baillonna la bouche avec son mouchoir, et, sans qu'elle put pousser
un cri, il la forca d'abord de lui rendre la bourse qu'elle avait
heureusement conservee.--Tu as fait le malheur d'une puissante famille,
lui dit-il ensuite, tu as a jamais trouble l'existence d'une des plus
illustres maisons de Venise! Tremble! cette maison redoutable veille sur
toi; ni toi ni ton mari, vous ne ferez un seul pas, maintenant, sans qu'on
ait l'oeil sur vous. Les Seigneurs de la Nuit ont inscrit ton nom sur leur
livre, pense aux caves du palais ducal. Au premier mot que tu diras pour
reveler le secret terrible que ta malice t'a fait deviner, ta famille
entiere disparaitra!
Il sortit sur ces paroles, et tout le monde sait qu'a Venise on n'en
pouvait prononcer de plus effrayantes. Les impitoyables et secrets arrets
de la _corte maggiore_ repandaient une terreur si grande, que ceux qui se
croyaient seulement soupconnes se regardaient d'avance comme morts. Ce fut
justement ce qui arriva au mari de la Bianchina, ser Orio, a qui elle
raconta, a peu de chose pres, la menace que Pippo venait de lui faire. Il
est vrai qu'elle en ignorait les motifs, et en effet Pippo les ignorait
lui-meme, puisque toute cette affaire n'etait qu'une fable; mais ser Orio
jugea prudemment qu'il n'etait pas necessaire de savoir par quels motifs
on s'etait attire la colere de la cour supreme, et que le plus important
etait de s'y soustraire. Il n'etait
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