endre circonspecte et l'obliger a reflechir, car cette presence
lui rappelait sans cesse la distance qui la separait de Gaston. Une autre
que Margot s'en serait peut-etre desesperee ou plutot se serait guerie,
voyant le danger de sa passion; mais Margot ne s'etait jamais demande,
meme dans le plus profond de son coeur, a quoi lui servirait son amour;
et, en effet, y a-t-il une question plus vide de sens que celle-la, qu'on
adresse continuellement aux amoureux: A quoi cela vous menera-t-il?--Eh!
bonnes gens, cela me mene a aimer.
Des que Margot s'eveillait, elle sautait a bas de son lit, et elle courait
pieds nus, en cornette, ecarter le coin de son rideau pour voir si Gaston
avait ouvert ses jalousies. Si les jalousies etaient fermees, elle allait
vite se recoucher, et elle guettait l'instant ou elle entendrait le bruit
de l'espagnolette, auquel elle ne se trompait pas. Cet instant venu,
elle mettait ses pantoufles et sa robe de chambre, ouvrait a son tour sa
croisee, et penchait la tete de cote et d'autre d'un air endormi, comme
pour regarder quel temps il faisait. Elle poussait ensuite un des battants
de la fenetre de maniere a n'etre vue que de Gaston, puis elle posait son
miroir sur une petite table, et commencait a peigner ses beaux cheveux.
Elle ne savait pas qu'une vraie coquette se montre quand elle est paree,
mais ne se laisse pas voir pendant qu'elle se pare; comme Gaston se
coiffait devant elle, elle se coiffait devant lui. Masquee par son miroir,
elle hasardait de timides coups d'oeil, prete a baisser les yeux si Gaston
la regardait. Quand ses cheveux etaient bien peignes et retrousses, elle
posait sur sa tete son petit bonnet de tulle brode a la paysanne, qu'elle
n'avait pas voulu quitter; ce petit bonnet etait toujours tout blanc,
ainsi que le grand collet rabattu qui lui couvrait les epaules et lui
donnait un peu l'air d'une nonnette. Elle restait alors les bras nus, en
jupon court, attendant son cafe. Bientot paraissait mademoiselle Pelagie,
sa femme de chambre, portant un plateau et escortee du chat du logis,
meuble indispensable au Marais, qui ne manquait jamais le matin de rendre
ses devoirs a Margot. Il jouissait alors du privilege de s'etablir dans
une bergere en face d'elle, et de partager son dejeuner. Ce n'etait pour
elle, comme on pense, qu'un pretexte de coquetterie. Le chat, qui etait
vieux et gate, roule en boule dans un fauteuil, recevait fort gravement
des baisers qui ne lui etaient pas adre
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