e avait ses bonnes graces.
Peut-etre etait-il question de demander de l'avancement pour Gaston, et
il devenait alors naturel qu'on fit de grandes flatteries a une dame en
credit. Telles etaient les conjectures de Margot; mais, quelque effort
qu'elle put faire, son esprit n'en etait pas satisfait, et son coeur
l'empechait de s'arreter a la seule supposition vraisemblable qui eut ete
en meme temps la seule vraie.
Deux domestiques avaient apporte a grand'peine une grosse caisse de bois
dans l'appartement qu'occupait mademoiselle de Vercelles. Au moment ou
Margot sortit de sa chambre, elle entendit le son d'un piano; c'etait la
premiere fois de sa vie que de pareils accords frappaient ses oreilles;
elle ne connaissait, en fait de musique, que les contredanses de son
village. Elle s'arreta pleine d'admiration. Mademoiselle de Vercelles
jouait une valse; elle s'interrompit pour chanter, et Margot s'approcha
doucement de la porte, afin d'ecouter les paroles. Les paroles etaient
italiennes. La douceur de cette langue inconnue parut encore plus
extraordinaire a Margot que l'harmonie de l'instrument. Qu'etait-ce donc
que cette belle demoiselle qui prononcait ainsi des mots mysterieux au
milieu d'une si etrange melodie? Margot, vaincue par la curiosite,
se baissa, essuya ses yeux, ou roulaient encore quelques larmes, et
regarda par le trou de la serrure. Elle vit mademoiselle de Vercelles
en deshabille, les bras nus, les cheveux en desordre, les levres
entr'ouvertes et les yeux au ciel. Elle crut voir un ange; jamais rien de
si charmant ne s'etait offert a ses regards. Elle s'eloigna a pas lents,
eblouie et en meme temps consternee, sans pouvoir distinguer ce qui se
passait en elle. Mais, tandis qu'elle descendait l'escalier, elle repeta
plusieurs fois d'une voix emue: Sainte Vierge! la belle beaute!
VII
Il est singulier qu'aux choses de ce monde, ceux qui se trompent le mieux
soient precisement ceux qui y sont interesses. A la contenance de Gaston
pres de mademoiselle de Vercelles, le plus indifferent temoin aurait
devine qu'il en etait amoureux. Cependant Margot ne le vit pas d'abord,
ou plutot ne voulut pas le voir. Malgre le chagrin qu'elle en eprouvait,
un sentiment inexprimable, et que bien des gens croiraient impossible,
l'empecha longtemps de discerner la verite: je veux parler de cette
admiration que mademoiselle de Vercelles lui avait inspiree.
Mademoiselle de Vercelles etait grande, blonde, avenante. Elle
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