demanda Margot en tremblant.
--Qui sait? repondit en riant mademoiselle de Vercelles; nous autres
filles, nous sommes exposees tous les jours a ces choses-la.
Je laisse a penser dans quel trouble ces paroles jeterent Margot; elle se
les repeta cent fois jour et nuit, mais presque machinalement et sans oser
y reflechir. Cependant, peu de temps apres, comme on apportait le cafe
apres souper, Gaston lui en ayant presente une tasse, elle le repoussa
doucement en lui disant:--Vous me donnerez cela le jour de vos noces.
Le jeune homme sourit et parut un peu etonne; il ne repondit rien, mais
madame Doradour fronca le sourcil et pria Margot avec humeur de se meler
de ses affaires.
Margot se le tint pour dit; ce qu'elle desirait et craignait tant de
savoir lui sembla prouve par cette circonstance. Elle courut s'enfermer
dans sa chambre; la elle posa son front dans ses mains et pleura
amerement. Des qu'elle fut revenue a elle-meme, elle eut soin de tirer son
verrou, afin que personne ne fut temoin de sa douleur. Ainsi enfermee,
elle se sentit plus libre et commenca a demeler peu a peu ce qui se
passait dans son ame.
Malgre son extreme jeunesse et le fol amour qui l'occupait, Margot
Avait beaucoup de bon sens. La premiere chose qu'elle sentit, ce fut
l'impossibilite ou elle etait de lutter contre les evenements. Elle
comprit que Gaston aimait mademoiselle de Vercelles, que les deux familles
s'etaient accordees et que le mariage etait decide. Peut-etre le jour
etait-il fixe deja; elle se souvenait d'avoir vu dans la bibliotheque
un homme habille de noir qui ecrivait sur du papier timbre; c'etait
probablement un notaire qui dressait le contrat. Mademoiselle de
Vercelles etait riche, Gaston devait l'etre apres la mort de sa mere;
que pouvait-elle contre des arrangements pris, si naturels, si justes?
Elle s'attacha a cette pensee, et plus elle s'y appesantit, plus elle
trouva l'obstacle invincible. Ne pouvant empecher ce mariage, elle crut
que tout ce qui lui restait a faire etait de ne pas y assister. Elle tira
de dessous son lit une petite malle qui lui appartenait, et elle la placa
au milieu de la chambre, pour y mettre ses hardes, resolue a retourner
chez ses parents; mais le courage lui manqua: au lieu d'ouvrir la malle,
elle s'assit dessus et recommenca a pleurer. Elle resta ainsi pres d'une
heure dans un etat vraiment pitoyable. Les motifs qui l'avaient d'abord
frappee se troublaient dans son esprit; les larmes qui coul
|