mbres allees, tantot marchant a pas lents, tantot de toutes ses
forces; puis elle s'arretait et disait: Aimer, c'est une grande affaire;
il faut avoir du courage pour aimer. Ce mot d'_aimer_, et la certitude que
personne au monde ne se doutait de sa passion, la faisaient esperer malgre
elle, quoi? elle l'ignorait, et par cela meme esperait plus facilement.
Son secret cheri lui semblait un tresor cache dans son coeur; elle ne
pouvait se resoudre a l'en arracher; elle se jurait de l'y conserver
toujours, de le proteger contre tous, dut-il y rester enseveli. En depit
de la raison, l'illusion reprenait le dessus, et, comme elle avait aime
en enfant, apres s'etre desolee en enfant, elle se consolait de meme.
Elle pensa aux cheveux blonds de Gaston, aux fenetres de la rue du Perche;
elle essaya de se persuader que le mariage n'etait pas conclu, et qu'elle
avait pu se tromper a ce qu'avait dit sa marraine. Elle se coucha au pied
d'un arbre, et, brisee d'emotion et de fatigue, elle ne tarda pas a
s'endormir.
Il etait midi lorsqu'elle s'eveilla. Elle regarda autour d'elle, se
souvenant a peine de ses chagrins. Un leger bruit qu'elle entendit a
peu de distance lui fit tourner la tete. Elle vit venir a elle sous la
charmille Gaston et mademoiselle de Vercelles; ils etaient seuls; et
Margot, cachee par un taillis epais, ne pouvait etre apercue d'eux. Au
milieu de l'allee, mademoiselle de Vercelles s'arreta et s'assit sur un
banc; Gaston resta quelque temps debout devant elle, la regardant avec
tendresse; puis il flechit le genou, l'entoura de ses bras, et lui donna
un baiser. A ce spectacle, Margot se leva hors d'elle-meme; une douleur
inexprimable la saisit, et, sans savoir ou elle allait, elle s'enfuit en
courant vers la campagne.
VIII
Depuis que Pierrot avait echoue dans la grande entreprise qu'il avait
formee d'etre pris pour domestique par Gaston, il etait devenu de jour
en jour plus triste. Les consolations que Margot lui avait donnees
l'avaient satisfait un moment; mais cette satisfaction n'avait pas dure
plus longtemps que les provisions qu'il avait emportees dans ses poches.
Plus il pensait a sa chere Margot, plus il sentait qu'il ne pouvait vivre
loin d'elle, et, a dire vrai, la vie qu'il menait a la ferme n'etait
pas faite pour le distraire, non plus que la compagnie avec laquelle il
passait son temps; or, le jour meme du desespoir de notre heroine, il s'en
allait revant le long de la riviere, chassant ses d
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